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                © Radek Pietruszka

Depuis son retour au pouvoir en 2015, le parti politique conservateur ‟droit et justice” (PIS) a entrepris un énorme chantier afin de réformer le système judiciaire polonais. Cette refonte est considérée comme nécessaire par le PIS pour effacer les dernières traces de la période communiste (1945-1989) et mettre fin à ‟l’état des juges” vu comme une menace à la souveraineté nationale. En effet, selon le député Przemysław Czarnek (PIS) les juges décident de ce qu’est la loi et ignorent l’autorité de la nation sur le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif.

Cependant, ces réformes sont tour à tour pointé du doigt par l’Union européenne qui considère quelles compromettent l’indépendance des juridictions polonaises et menacent l’état de droit. Mais Varsovie ne semble pourtant pas prêt à faire marche arrière puisque c’est déjà la troisième procédure d’infraction portant atteinte à l’état de droit lancée par l’Union européenne depuis 2016 à son encontre.

Le parlement a tenté de réformer l’âge de départ en retraite des juges de droit commun de 67 ans à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes avec une possibilité de prolongation des juges actifs par le ministre de la Justice. Cette réforme qui concernait environ 40% des juges, était contraire aux valeurs de l’Union européenne en matière d’égalité homme/femme à l’emploi et menaçait l’indépendance de la justice. Après de nombreuses discussions et mises en garde, la Commission européenne a décidé de renvoyer ce dossier devant la cour de justice de l’Union européenne. En 2018, Varsovie a fait marche arrière en harmonisant l’âge de la retraite et en confiant la prolongation au registre national judiciaire. Pourtant la Commission européenne a décidé de maintenir sa plainte arguant que les changements n’étaient pas suffisants. La 5 novembre 2019, un arrêt condamnant la Pologne a été rendu par la cour de justice européenne.

Le gouvernement d’Andrzej Duda a aussi été condamné pour sa réforme sur l’âge de départ à la retraite des juges de la cour suprême polonaise qui entrainerait une mise à la retraite prématuré de 30% des juges. Le 24 juin 2019 la cour de justice de l’union européenne avait déclaré cette réforme contraire au droit de l’UE et à l’inamovibilité des juges. Varsovie a décidé de faire marche arrière.

La dernière procédure est actuellement en cours. Le 10 octobre 2019, la Commission a de nouveau renvoyé Varsovie devant la cour de justice au sujet cette fois de la réforme s’appliquant aux magistrats. Ils pourraient recevoir des sanctions disciplinaires sur le contenu de leurs arrêts et leurs démarches de sollicitation de la cour de justice de l’UE pour quelle statue.

Bien que condamnée deux fois déjà et en cours de jugement, la Pologne s’acharne à faire passer ses réformes contraires au droit de l’Union européenne. Ce Vendredi 20 décembre 2019 une loi permettant aux juges d’être sanctionnés en cas d’opposition aux réformes judiciaires controversés a été adoptée au Parlement. On peut donc se demander jusqu’où Andrzej Duda va-t-il aller avant que l’Union européenne ne prenne de vraies sanctions ?

Deux possibilités s’offrent à elle : L’article 7 du traité de l’Union européenne ou des sanctions économiques. L’usage de l’article 7 pourrait entraîner jusqu’à la privation du droit de vote de la Pologne au sein de l’UE, mais pour cela il faudrait que 4/5 (soit 22 membres) des membres de l’UE reconnaissent cette violation. Or on sait déjà que certains pays s’y opposeront comme la Hongrie qui elle-même a entamé un processus de suppression de la séparation des pouvoirs. En matière économique, la Pologne est l’un des plus grands bénéficiaire des fonds Européens grâce aux fonds structurelles de développement et à la PAC. La Pologne a reçu 100 milliards d’euros d’aide entre 2014 et 2020. Mais une sanction économique serait-elle assez dissuasive ? Pour autant, la situation politique actuelle reste incertaine puisque les Polonais seront amenés à voter pour les présidentielles en mai 2020.

Sources :

‟Déclaration de la Commission européenne sur l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne concernant la loi polonaise sur les juridictions de droit commun” Commission européenne, 5 novembre 2019, consulté le 4 janvier 2020
https://ec.europa.eu/commission/pre...

‟Pologne : le PiS veut interdire aux juges de critiquer les réformes”, lemonde.fr, 18 décembre 2019, consulté le 4 janvier 2020

https://www.lemonde.fr/internationa...

‟La Cour de Justice de l’UE retoque la réforme judiciaire en Pologne”, euractiv.fr, 6 novembre 2019, consulté le 4 janvier 2020

https://www.euractiv.fr/section/ins...

‟En Pologne, le Parlement adopte une loi pour interdire aux juges de critiquer les réformes”, euronews.com, 21 décembre 2019, consulté le 4 janvier 2020

https://fr.euronews.com/2019/12/21/...

‟Pologne : la Commission européenne déclenche la procédure de sanctions”, touteleurope.eu, le 21 décembre 2017, consulté le 4 janvier 2020

https://www.touteleurope.eu/revue-d...