pacte_des_villes_libres.jpg

Au cours de la dernière décennie, l’Union Européenne a observé en son sein une montée du populisme et des courants ultraconservateurs, qui se cristallisent notamment sur les défis et orientations des politiques migratoires et extérieures de la communauté. Celles-ci ont ainsi donné un second souffle au « groupe Visegrad » (aussi surnommé “V4”), composé de la Pologne, de la Hongrie, de la République Tchèque et de la Slovaquie, initialement formé en 1991, avec pour vocation l’intégration de ses membres au sein de l’Union européenne et de l’OTAN.

Ces objectifs étant désormais remplis, le V4 a depuis permis à ses membres centre-européens de faire front commun sur des questions communautaires, comme en 2015 autour du refus de « la politique de répartition des réfugiés par quotas » au sein de l’Union européenne, pour laquelle il a finalement obtenu gain de cause.

Les réactions nationalistes et eurosceptiques sont cependant loin de faire l’unanimité au sein même du groupe, soulignant même une fragmentation politique territoriale formée entre les zones rurales et les villes, ces dernières restant plus enclines à rejeter le nationalisme et les critiques faites à l’Europe. Depuis 2018, certaines villes comme Varsovie, Budapest, Prague et Bratislava ont voté pour des élus qui démontrent clairement cette mouvance, et le 13 décembre 2019, les maires de ces quatre villes ont conclu un « pacte des villes libres », une alliance qui devrait leur permettre de s’opposer davantage à leurs gouvernements respectifs.

« Nous partageons des valeurs et des priorités, nos villes resteront ouvertes, tolérantes, progressistes et à l’avant-garde du changement », a commenté le maire centriste de Varsovie, Rafal Trzaskowski.

La signature de ce pacte a eu lieu à Budapest, où le maire Gergely Karacsony s’oppose depuis son élection le 1er octobre dernier au premier ministre de la Hongrie, Viktor Orban, qui lui, affiche clairement son opposition à l’immigration et à l’Europe. Ce dernier a d’ailleurs été privé de ses droits de vote au sein du Parti Populaire européen (PPE), en mars dernier, suite à une enquête portant sur son parti, le Fidesz, parti nationaliste opposé à l’immigration, jugé incompatible avec les courants de pensées du PPE.

A Prague c’est Zdenek Hrib, qui s’oppose au premier ministre de la République Tchèque affirmant que « le populisme est une réponse erronée et simpliste aux problèmes ».

Enfin à Bratislava, c’est Matus Vallo qui marque son opposition face à un gouvernement slovaque populiste.

Face au climat populiste et conservateur, ce Pacte résonne comme un appel à la mobilisation des citoyens : une manière aussi de leur montrer qu’il n’y a pas que l’antilibéralisme et que des solutions plus sociales peuvent être envisagées.

Les quatre capitales revendiquent également leur volonté de mettre en place des mesures favorables au climat, à l’amélioration des transports, à l’inclusion sociale, alors que leurs gouvernements respectifs rechignent à se plier aux nouvelles directives pour l’environnement adoptées le 12 décembre dernier par la Commission européenne. La Pologne en particulier continue de réclamer un budget plus important sans lequel elle refuse de participer que Green Deal Européen.

Les maires des villes réclament aussi la facilitation de l’accès au fonds de gestion au profit des municipalités, remettant en cause l’utilisation et la gestion de leurs gouvernements.

Cette demande alimente un débat déjà en cours sur l’allocation des fonds européens, question qui doit être discutée prochainement au Conseil de l’Union Européenne. Paris et Berlin souhaiteraient imposer des conditions plus strictes, notamment s’assurer du respect des « normes démocratiques », ce qui, si ces conditions étaient acceptées, serait susceptible d’handicaper la Pologne et la Hongrie. En effet, Viktor Orban a fait adopter le 10 décembre une loi considérée comme « une attaque à la liberté culturelle » par le Parti vert européen, qui a porté plainte et espère que la Cour constitutionnelle sera saisie.

● Chastand, Jean-Baptiste. “En Europe centrale, une « alliance des villes libres » contre le populisme”. Le Monde. 17 décembre 2019. En ligne https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/17/en-europe-centrale-une-alliance-des-villes-libres-contre-le-populisme_6023113_3210.html

● Lastennet, Jules. “Qu’est-ce que le groupe Visegrád ?”. Toute l’Europe. 28 septembre 2019. En ligne https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-groupe-de-visegrad.html

● Murphy, Peter. “Quatre capitales d’Europe centrale s’unissent face aux populistes”. La Presse. 16 décembre 2019. En ligne https://www.lapresse.ca/international/europe/201912/16/01-5253932-quatre-capitales-deurope-centrale-sunissent-face-aux-populistes.php

● Gillard, Nicolas. “ "Une mise à l'écart historique du parti de Viktor Orban", selon le CDH”. RTBF. 20 mars 2019. En ligne https://www.rtbf.be/info/monde/detail_europe-quelles-sanctions-pour-le-populiste-viktor-orban?id=10175538

● “Biographie de Viktor Orbán”, in France Culture. En ligne https://www.franceculture.fr/personne/viktor-orban

● François, Jean-Baptiste. “Varsovie-Prague-Budapest-Bratislava : un pour tous, tous pour un”. La Croix. 17 décembre 2019. En ligne https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Varsovie-Prague-Budapest-Bratislava-tous-tous-2019-12-17-1201066923?utm_medium=affiliation&utm_campaign=crx+abo+conversion+ete+juin+2019

● (AP, Reuters, AFP) “Eastern European mayors forge anti-populism pact” in Deutsche Welle. 16 décembre 2019. En ligne https://www.dw.com/en/eastern-european-mayors-forge-anti-populism-pact/a-51700933

● (Réseau Euractiv) “Alerte sur la culture en Hongrie” in Euractiv. 10 décembre 2019. En ligne https://www.euractiv.fr/section/avenir-de-l-ue/news/alerte-sur-la-culture-en-hongrie