© Alexandros Michailidis
Donald Trump a donc fait le choix, une nouvelle fois, de décider unilatéralement ce qui devait ou non se faire au Moyen-Orient. Joe Biden, ancien vice-president de Barack Obama et candidat aux primaires démocrates, a déclaré qui si Trump voulait dissuader l’Iran de s’attaquer aux intérêts américains son « action aura presque certainement l’effet inverse ». L’Ayatollah Ali Khamenei, a justement juré très vite que les iraniens se vengeraient. Dans une tribune écrite au New-York Times Azadeh Moaveni, écrivaine et analyste au International Crisis Group (ICG), rappelle que le général tué par un tir de drone était populaire en Iran. Les iraniens estiment que grâce à lui le groupe terroriste État Islamique n’a jamais franchi les frontières iraniennes. Elle rappelle aussi dans un ton dramatique que les tweets de Donald Trump suffisent pour unir les iraniens contre lui et donc souffler sur des braises trop souvent attisées.
Comme ce fut le cas en 2018 lorsque Donald Trump décidait de sortir unilatéralement des accords de Vienne, aussi appelés Plan d’Action Conjoint (JCPOA), l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ainsi que l'Union Européenne (UE), appellent désormais à l’apaisement.
En 2015, les accords de Vienne étaient conclus entre les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU en plus de l’Allemagne, de l’Iran mais aussi de l’UE. En imposant des restrictions sur son nucléaire industriel il permettait à l’Iran de sortir du cycle des sanctions commerciales qui lui était imposées. L’Union Européenne, qui fut sans conteste un acteur important de ces négociations avait alors rappelé à Trump sa détermination à préserver le JCPOA. Federica Mogherini, l’ancienne haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, estimait qu’il s’agissait d’un texte essentiel pour la sécurité dans la région iranienne mais aussi pour l’Europe et le monde.
Il n’a pas fallu attendre la mort de Ghassem Soleimani pour que l’Iran prenne des libertés par rapport aux conditions que les accords fixaient, mais le 5 janvier Mohammad Javad Zarif, ministre des affaires étrangères iranien, a annoncé dans un tweet qu’il n’y aurait plus de restrictions sur le nombre de centrifugeuses. Il ajoute cependant qu’ils continueront de coopérer pleinement avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Les accords pourraient devenir les victimes de ce conflit mais l’Iran évoque tout de même des sorties de crise possible si les sanctions à leur encontre étaient levées. Face au comportement offensif et peut-être irresponsable du président américain, et bien que la Chine fasse les même vœux de paix, l’UE et certains de ses États membres semblent être les plus disposés à maintenir la paix.
Cette responsabilité incombe en partie à Josep Borrell, successeur de Federica Mogherini, qui a peut-être l’occasion de prouver qu’il est à la hauteur de son poste et des attentes. Espagnol issu du PSOE, l’homme politique d’expérience est aussi controversé. Malgré la légalité des intérêts qu’il détient dans plusieurs groupes privés (dont Bayer), des eurodéputés du groupe GUE/GNL et ALE/Verts ont émis plusieurs réserves sur sa capacité à exercer son rôle en toute indépendance. Il a aussi été montré du doigt pour certaines positions. Il lui a été reproché une certaine complaisance avec le régime iranien. Certains se souviennent aussi de son renoncement aux élections législatives espagnoles comme chef de file socialiste lorsqu’il était accusé de fraude fiscale. Il a donc tout intérêt, en définitive, à porter haut les couleurs de son nouveau poste. Antonio Lopez-Isturiz, eurodéputé (PPE), qui considère que le mandat de Federica Mogherini avait été « néfaste » pour la politique extérieur de l’UE, espère que son remplaçant fera mieux. Josep Borrell s’est entretenu le 5 janvier avec Javad Zarif et l’invite à venir discuter à Bruxelles. Il veut contribuer à la « désescalade » des tensions et affirme vouloir coordonner et garantir l’unité des membres restants des accords de Vienne.
Dans ces moment-là, l’Union Européenne a plus que jamais besoin de parler d’une seule voix. Si nombreux sont ceux qui doutent de la crédibilité de M. Borrell, sa réussite pourrait s’avérer déterminante dans la crédibilité de la politique étrangère de l’Union Européenne.
Sources
https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/72663/statement-high-representative-josep-borrell-recent-developments-iraq_en
https://euobserver.com/political/146106
https://www.euractiv.com/section/cybersecurity/news/first-potential-suleimani-revenge-attack-hits-us-cyberspace/
https://www.euractiv.com/section/global-europe/news/eu-warns-against-escalation-in-iraq-after-us-killed-top-iranian-commander/
https://www.euractiv.com/section/global-europe/news/europeans-brace-for-fallout-from-soleimani-killing/
https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/05/08/donald-trump-annonce-le-retrait-des-etats-unis-de-l-accord-sur-le-nucleaire-iranien_5296297_3222.html
https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/05/09/face-au-retrait-de-trump-les-europeens-determines-a-defendre-l-accord-sur-le-nuceaire-iranien_5296692_3214.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/04/19/congressistes-americains-soutenons-ensemble-l-accord-avec-l-iran_5287576_3232.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/04/iran-l-accord-sur-le-nucleaire-victime-collaterale-des-raids-americains_6024782_3232.html
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/comprendre-l-escalade-de-la-violence-entre-l-iran-et-les-etats-unis-depuis-2018-en-six-points_6024741_3210.html
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/en-donnant-l-ordre-de-tuer-ghassem-soleimani-donald-trump-choisit-l-escalade-face-a-l-iran_6024664_3210.html
https://www.nytimes.com/2020/01/05/world/middleeast/trump-iran-nuclear-agreement.html?action=click&module=Top%20Stories&pgtype=Homepage
https://www.nytimes.com/2020/01/06/opinion/iran-soleimani-funeral.html?action=click&module=Opinion&pgtype=Homepage
https://twitter.com/JZarif/status/1213900666164432900