Alors que la Commission Européenne s’apprête à lancer son European Green Deal, le secrétariat de la présidence de la Croatie a annoncé, ce 15 janvier dernier, que l’entreprise pétrolière nationale INA serait l’un des sponsors de la présidence 2020 de la Croatie. Le secrétariat a également annoncé qu’elle avait “jusqu’à présent signé sept contrats de sponsorisation, exclusivement avec des entreprises croates”, et que la liste complète de ses sponsors serait bientôt révélée sur son site internet.

Cette pratique par les pays membres de signer des contrats de sponsorisation de leur présidence du Conseil n’est pas nouvelle, mais, après l’excès de zèle du sponsor de la présidence roumaine Coca-Cola pendant le premier semestre de l’année 2019 (poufs labellisés dans les salles où se tenaient le Conseil, posters de propagande vantant les mérites pour l’économie européenne du groupe Coca-Cola sur les frigos, etc.), ces grands groupes internationaux finançant la présidence d’un des organes législatifs de l’Union Européenne font tourner de plus en plus de têtes. Si des membres d’autres institutions européennes, s’inquiètent de l’image que peuvent renvoyer de tels partenariat, particulièrement les députés européens, les gouvernements des Etats membres ne sont quant à eux pas pressés de mettre fin à la pratique. La Finlande, succédant à la Roumanie à la présidence du Conseil, avait en effet été enjointe par des eurodéputés d’y mettre fin, mais celle-ci s’est tournée vers BMW pour financer sa présidence.

Ces financements par des conglomérats font polémique avec raison : en effet, ces grandes entreprises agroalimentaire, automobile ou pétrolière ont un intérêt évident à influencer les politiques de l’UE en leur faveur. Si ces financements ne génèrent pas une contrepartie explicitement identifiable, il est normal de s’interroger dans quel mesure ceux-ci ont un impact sur les votes des ministres des Etats membres lors des Conseils. En particulier lorsque ces entreprises ont une empreinte carbone non négligeable, et ne sont pas toujours prêtes à faire évoluer leurs modes de production dans une direction plus durable - BMW, sponsor de la présidence finlandaise, avait notoirement été condamnée par la justice allemande pour avoir truqué ses moteurs afin de passer les contrôles antipollution.

Si les sponsors de la présidence de l’UE font fi de l’urgence climatique, comment être sûr de l’efficacité des résolutions qu’adoptera le Conseil en ce sens ? Bien que le Parlement ait adopté des amendements, fin octobre dernier, dans le but de mettre fin à la pratique, ces amendements devront être ratifiés par le Conseil de l’UE pour entrer en vigueur ; au vu de l'engouement de la présidence actuelle du Conseil pour ses sponsors, il n’est pas sûr que les eurodéputé.e.s parviennent à leur fin.

Sources : The Independant, "Corporate sponsorship of EU presidency to continue despite outcry", Jon Stone, 17/07/2019 https://www.independent.co.uk/news/world/europe/eu-presidency-sponsor-coca-cola-romania-finland-bmw-europe-a9008096.html

EU Observer, "MEPs want to end sponsorships of EU presidencies", 23/10/2019 https://euobserver.com/tickers/146380

Eu Observer, "Big Oil sponsors Croatia's EU presidency", Nikolaj Nielsen, 17/01/2020 https://euobserver.com/institutional/147169?utm_source=euobs&utm_medium=email

Ouest France, "Emissions polluantes : BMW va payer une amende et échappe aux poursuites", 25/02/2019 https://www.ouest-france.fr/economie/automobile/emissions-polluantes-bmw-va-payer-une-amende-et-echappe-aux-poursuites-6236357