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Ce mardi 14 janvier 2020, la Commission européenne a annoncé le lancement d’une consultation sur « les salaires minimums équitables dans l’Union européenne » avec les partenaires sociaux. Ce principe de SMIC européen est de nouveau projeté au centre du débat, l’idée lancée en 1992 a fréquemment fait l’objet de discussions au sein des Institutions de l’UE. Bien que jamais concrétisée, la démarche de l’exécutif annonce une première grande étape vers l’établissement d’un revenu minimum européen.
''L’annonce de la Commission von der Leyen : ''
La présentation de ce projet de salaire minimum s’inscrit dans la logique des promesses d’Ursula von der Leyen pour la construction d’une « Europe sociale ». L’idée est défendue depuis sa nomination pour le poste de présidente de la Commission européenne. La cheffe de l’exécutif a donc annoncé que les partenaires sociaux, Business Europe, pour la représentation du patronat et la Confédération Européenne des Syndicats (CES), pour la représentation des travailleurs, disposeront de six semaines pour entamer une première phase de réflexion. Cela leur permettra d’émettre des avis pour fixer un cadre et des critères définissant des planchers nationaux selon les réalités économiques de chaque pays. La rémunération ne faisant pas partie des prérogatives de l’Union européenne, la Commission a assuré qu’elle ne travaillait pas à la construction d’un SMIC européen universel mais bien à celle d’un salaire minimum européen équitable, qui prendrait la forme d’un « instrument juridique pour garantir que les travailleurs gagnent suffisamment pour subvenir à leurs besoins ». Elle en a d’ailleurs profité pour rappeler son rôle de régulateur qui l’amènerait seulement à s’assurer « que tous les systèmes sont adéquats » comme l’a expliqué le commissaire européen à l’Emploi et aux droits sociaux, Nicolas Schmit. De plus, l’exécutif européen a présenté les avantages des planchers minimaux nationaux, cette régulation pourra mener à lutter efficacement contre le dumping social au sein de l’Union, relancer et stimuler certaines économies ainsi que la convergence socio-économiques des pays membres. En effet, cette initiative pour l’établissement d’un mécanisme commun émane des disparités existantes entre les Etats membres. Seuls vingt-deux Etats de l’Union européenne disposent d’un système de salaire minimum national et parmi eux, les écarts sont conséquents. Alors qu’il est à 286 euros brut par mois en Bulgarie, au Luxembourg il s’élève à 2100 euros brut mensuels, dans le cas de la Roumanie, la Lettonie et la Hongrie, il ne dépasse pas les 500 euros brut. Ces différences s’expliquent par le coût de la vie selon les Etats mais le niveau des pays de l’Est reste bien plus bas.
''La réticence de certains Etats membres et partenaires : ''
Bien que la Commission von der Leyen garantisse la prise en compte des réalités et des traditions économiques de chacun, une forte opposition a émergé. Tout d’abord, les organisations patronales portées par Business Europe composent les principaux détracteurs de ce salaire minimum européen, accompagné d’une partie de l’Europe centrale et orientale, ils craignent que l’augmentation du coût de leur main d’œuvre abaisse leur compétitivité. L’opposition est aussi apparue depuis la Suède, le Danemark et la Finlande, dans ces pays, le niveau des salaires est déterminé par des accords négociés entre patronats et syndicats. Ils estiment que cette réforme peut nuire à leur modèle social en affaiblissant leurs négociations collectives et militent donc activement contre l’adoption d’une directive européenne imposant un salaire minimum inscrit dans la loi. Ils rappellent notamment que cela constituerait une violation de l’article 153.5 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui exclut la compétence de Bruxelles sur les rémunérations.
''Quelle perspective d’aboutissement ? : ''
Les inquiétudes des membres sont spécifiques au caractère incertain de cette réforme laissé par l’annonce de la présidente de la Commission. Aucune indication n’a été donnée sur le pourcentage du salaire médian que cela impliquerait ou bien s’il y aura une prise en compte du pouvoir d’achat. Après ces six semaines de consultation, les partenaires sociaux devraient soumettre leurs propositions à l’exécutif et permettre une deuxième phase de discussions pour la rédaction d’une proposition législative et d’une étude d’impact. L’hypothèse de la délégation de ce projet aux partenaires sociaux sous forme de négociations pour neuf mois est aussi envisageable. Bien que la possibilité de l’aboutissement de cette réforme soit encore incertaine, on peut affirmer que le salaire minimum européen est bien un point marquant de la mandature von der Leyen et s’inscrit dans son projet d’une Europe plus sociale.
__Sources : __
- Les Echos : "Bruxelles relance l'idée d'un SMIC européen", 16 janvier 2020, https://www.lesechos.fr/monde/europe/bruxelles-relance-lidee-dun-smic-europeen-1162862
- Toute l’Europe : "Vers le SMIC européen ?", 14 janvier 2020, https://www.touteleurope.eu/actualite/vers-le-smic-europeen.html
- Le Monde : "Les pays nordiques vent debout contre une éventuelle régulation européenne", 16 janvier 2020, https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/15/les-pays-nordiques-vent-debout-contre-un-salaire-minimum-impose-par-l-union-europeenne_6025927_3234.html
- Le Monde : "Bruxelles relance le chantier du smic européen", 16 janvier 2020, https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/15/la-commission-de-bruxelles-relance-le-chantier-du-salaire-minimum-europeen_6025880_3234.html
- Le Figaro : "Bruxelles veut renforcer les salaires minimums", 15 janvier 2020, https://www.lefigaro.fr/conjoncture/bruxelles-veut-renforcer-les-salaires-minimums-en-europe-20200114