Les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont approuvé les sanctions contre le groupe Wagner, lors de leur réunion à Bruxelles le 13 décembre 2021 (Virginia Mayo/AP)
Le 29 mars 2016, le journal indépendant russe Fontanka dévoilait dans une enquête la présence depuis 2014 de mercenaires russes en Ukraine puis en Syrie, répondant sous le nom de code « PMC Wagner ». Cinq ans plus tard, le groupe Wagner a étendu ses activités en Libye, en Centrafrique et plus récemment au Mali, et ses liens avec le gouvernement russe ne font plus de doute.
Face aux inquiétudes que soulève son existence, utilisée comme une arme géopolitique par Moscou, l’Union Européenne (UE) a engagé des sanctions, le 13 décembre, contre cette société, ainsi que huit personnes et trois entités qui lui sont liées. Elles font désormais l’objet d’un gel des avoirs dans l’Union Européenne, ainsi qu’une interdiction d’entrer sur le territoire européen.
Violations des droits humains
Avançant de « graves violations des droits humains », les 27 ministres des affaires étrangères de l’UE ont voté à l’unanimité les sanctions. « Les personnes inscrites sur la liste de l'UE sont impliquées des actes de torture et des exécutions et assassinats extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ou dans des activités de déstabilisation dans certains des pays où le groupe opère » précise le communiqué du Conseil.
Les mesures prises sont liées à quatre régimes de sanctions distincts : la violation des droits de l’homme, la contribution à l’effort de guerre de Bachar al-Assad en Syrie, la menace de la paix et de la sécurité en Libye, et enfin, la menace de l’intégrité territoriale ukrainienne.
Parmi les personnes visées par les sanctions, le nom de Dimitriy Utkin revient à plusieurs reprises. Déjà cité par l’enquête de Fontanka, Utkin est un ancien lieutenant-colonel de la GRU, le service de renseignement militaire de la Russie. Commandant des forces spéciales, il rejoint la société militaire privée du Corps Slave en 2013, avec laquelle il combat en Syrie. De ce Corps Slave, il fonde le Groupe Wagner et intervient en Ukraine puis en Syrie. Il reçoit l’Ordre du Courage des mains de Vladimir Poutine en 2016, alors que le Kremlin cherche à tout prix à cacher l’existence de cette « armée fantôme ».
Inexistant pour le Kremlin
Si les preuves de la proximité entre l’État russe et le groupe Wagner sont aujourd’hui nombreuses, Vladimir Poutine nie toujours l’existence de cette société militaire privée, qui sont interdites en Russie. Enregistrée en Argentine, elle se décrit comme une « société privée de conseil militaire » sur son site officiel, qui sont, elles, autorisées par les lois russes. Une fine nuance, qui permet au gouvernement russe de garder un certain contrôle dessus.
Le lien le plus explicite entre Vladimir Poutine et le groupe Wagner est Evgueni Prigojine. Déjà connu pour son rôle dans la campagne de désinformation en faveur de Donald Trump lors de l’élection américaine de 2016, l’homme d'affaires est le financier de Wagner. Proche de Vladimir Poutine depuis les années 1990, il avait été aperçu à la table des négociations entre le maréchal Haftar, qui contrôlait alors les deux tiers de la Libye, et le ministre de la défense russe, Sergueï Shoïgou, accompagné des hauts gradés de l’armée russe. D’ailleurs, sa société EvroPolis est l’une des trois entités visées par les sanctions européennes, pour avoir négocié 25 % du pétrole et du gaz produits par des sites repris par l’État Islamique.
Lorsque la guerre rejoint l’argent.