Entre répression interne et complicité de crimes de guerre

Une vague de contestation s'est étendue dans l'ensemble du pays après le décès le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune irano-kurde arrêtée par la police des moeurs pour avoir enfreint la loi obligeant les femmes à porter le voile en public. Les revendications des manifestants, d'abord en rejet des restrictions vestimentaires imposées aux femmes et pour souligner l'indignation du décès de la jeune femme, ont évolué en mouvement remettant en cause le gouvernement théocratique au pouvoir depuis 1979. Pour faire taire les révoltes, l'Iran fait tout le nécessaire: arrestation des journalistes, emprisonnements arbitraires, ciblage des étudiants, tirs à balles réelles... le bilan s'élève au minimum à 326 manifestants tués de septembre à novembre, selon l'ONG Iran Human Rights. La mort de Mahsa Amini et la violente répression des manifestants non armés soulèvent l'indignation générale et l'Iran se voit infliger à nouveau des mesures restrictives et des embargos, alors que des négociations sur le nucléaires sont toujours en cours entre l'Iran et le monde occidental. Au total, 126 personnes et 11 entités sont concernées par les sanctions de l'UE, qui condamne les "tirs à l'aveugle à balles réelles sur les manifestants pacifiques, y compris des enfants" qui ne cessent depuis le début des manifestations. Les sanctions comprennent une interdiction d'entrée sur le territoire de l'union, le gel des avoirs et l'interdiction des exportations d'équipements pouvant être utilisés contre les manifestants. L'Union européenne condamne également l'implication Iranienne dans le conflit en Ukraine. L'Union européenne a émis une mise en garde contre la "prolifération des armes" de la République islamique, affirmant qu'elle constitue une menace pour l'Europe et qu'elle pourrait entraîner de nouvelles sanctions contre l'Iran. L'erreur de l'UE est de ne pas avoir pris en considération la prolifération d'armes autres que le nucléaire de la part de l'Iran. C'est après avoir nié en bloc la livraison de drones à la Russie, que l'Iran a reconnu début novembre 2022 avoir fourni des drones à Moscou "des mois avant la guerre en Ukraine". Des sanctions visant trois personnes iraniennes et une entité avaient déjà été établies par l'UE et l'Angleterre avant que Téhéran ne reconnaisse les faits.

L'UE pas assez ferme ?

Certains déplorent le manque de fermeté de l'UE et restent dubitatifs quant à l'efficacité des sanctions contre les individus et les entités pour un pays comme l'Iran. Les dirigeants iraniens attachent peu d'importance à l'isolement auquel ils sont exposés, l'utilisant plutôt comme un outil politique intérieur, de sorte que les mesures visant directement le pays ont peu d'effet. La combinaison de sanctions imposées par les États-Unis, les Nations unies et l'Union européenne depuis les années 2000, en réponse aux activités nucléaires et de missiles de l'Iran et aux violations des droits de l'homme ont fait de l'Iran l'un des pays les plus lourdement sanctionnés au monde. Téhéran a complètement réorganisé son commerce en s'alliant avec des pays de taille, notamment les Émirats arabes unis, la Chine et la Russie. Bien que l'influence politique de l'UE et de l'occident en générale à Téhéran, n'a probablement jamais été aussi faible, la rapidité de la condamnation du régime de Téhéran et la prise de sanctions par l'UE est remarquable. Lorsqu'on sait qu'au cours des neuf années précédentes, l'UE n'avait émis seulement deux trains de sanctions fondées sur les droits de l'homme contre l'Iran. Bien que l'impact final de ces mesures reste questionnable, les nouvelles sanctions constituent un signal fort indiquant que les gouvernements européens sont plus que jamais prêts à faire face aux violations des droits de l'homme, aux livraisons de drones à la Russie et à l'impasse nucléaire du régime. L'UE n'hésitera pas à prendre davantage d'autres mesures. Un conseil des ministres des affaires étrangères est prévu ce 12 décembre concernant l'agression de la Russie contre l’Ukraine et sur l'Iran qui devrait aboutir à d'autres mesures restrictifs contre cette dernière, suite à l'exécution le 8 décembre 2022 de Mohsen Shekari, un manifestant âgé de 23 ans.

Sources

  • https://www.ledevoir.com/monde/europe/769634/l-iran-reconnait-avoir-livre-des-drones-a-la-russie
  • https://www.iranintl.com/en/202211201954
  • https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/12/en-iran-au-moins-326-manifestants-tues-selon-un-nouveau-bilan-de-l-ong-iran-human-rights_6149595_3210.html
  • https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20221005-mort-de-mahsa-amini-l-iran-a-t-il-ruiné-ses-chances-de-signer-un-accord-sur-le-nucléaire
  • https://www.sudouest.fr/international/manifestations-en-iran-une-nouvelle-vague-de-sanctions-occidentales-apres-l-execution-d-un-jeune-homme-13315493.php
  • https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2010-2-page-40.htm