Les Etats membres et le Parlement européen se réunissaient le mardi 14 novembre afin de discuter sur le projet de directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques, déposé par la Commission européenne le 8 mars 2022, qui pose la question d'une définition commune du viol aux vingt-sept.

Selon la commission, mais aussi pour de nombreuses associations intéressées par la question des violences faites aux femmes, et plus largement des violences sexistes et sexuelles, il est impératif que les vingt-sept adoptent rapidement une définition commune du viol alors pensée selon la logique suivante : tout acte sexuel non consenti par l'un ou l'autre des partenaires engendre une qualification en "crime de viol", en vertu de l'article 5 du projet de directive.

Selon l'ONG Amnesty International, seul 16 pays européens définissent le viol comme étant l'absence de consentement, liste dont la France ne fait pas partie. En effet la France, se joignant à la Hongrie et la Pologne, pays dont les régimes actuels ne sont pas particulièrement connus pour être à la pointe des avancés en matière de droit des femmes et des minorités, ne veut pas entendre parler d'une telle définition et ne souhaite pas intégrer l'article 5 du projet dans les négociations.

La France et le tabou du consentement ?

Tout d'abord, il est important de faire un tour sur la définition interne en droit pénal français sur le viol. En vertu de l'article 222-23 du Code pénal français "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle".

La France ne reconnait donc le "crime de viol" que comme étant un acte de pénétration, qui ne s'entend uniquement par le prisme de la violence. C'est ici que l'on entraperçoit le tabou sur le viol en France, qui ne peut concevoir une telle chose que comme résultant d'un acte violent, parfois teinté de préjugés ayant la peau dure, alors que 90% des viols sont commis dans un cadre intime et que la victime connaissait son bourreau dans une grande majorité des cas.

C'est ainsi, alors que sur un fond de révélations sordides à l'encontre de Gérard Depardieu, incriminés dans trois plaintes, dont deux pour viol, pris en "flagrant délit" de propos sexistes à caractère sexuel voir pédocriminel le 7 décembre 2023 dans l'émission "Complément d'Enquête", que le président de la République lui-même s'est empressé d'aller défendre l'indéfendable auprès des journalistes de "C à vous" le 20 décembre dernier.

Cette réaction quasi instinctive du président de la République, Emmanuel Macron, peut être entraperçue comme révélateur du tabou franco-français sur les violences faites aux femmes, et particulièrement le consentement dans les relations intimes, alors même que, bien que Gérard Depardieu dispose du bénéfice du doute en vertu du principe de présomption d'innocence, le doute ne pouvait subsister au regard du caractère sexiste et des propos plus qu'explicites de l'intéressé dans les images dévoilées par France 2.

Alors, cette frilosité de la France, quant à une définition générale du viol proposée par la Commission européenne, relève-t-elle uniquement de l'interprétation personnelle du président de la République ou d'un problème de société plus général...?

Sources :

https://www.huffingtonpost.fr/politique/video/la-grande-cause-du-quinquennat-de-macron-se-fracasse-un-peu-plus-avec-l-affaire-depardieu-clx1_227884.html

https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2018/11/rape-in-europe/

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/15/emmanuel-macron-refuse-que-bruxelles-intervienne-dans-la-definition-du-viol_6200220_3210.html

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043409305