De l’unité à la rupture

La coalition formée au courant de l’hiver 2021 était quelque peu inhabituelle. Constituée du parti social-démocrate SPD, du parti écologiste Les Verts et du parti libéral conservateur FDP, elle rassemblait des idéologies opposées. Une coalition tripartite est un fait rare dans la politique allemande. Ce n’était pas arrivé depuis les années 60, illustrant ainsi un paysage politique fragmenté et des opinions publiques divergentes. Dans ce contexte, la constitution d’une majorité gouvernementale est difficile.

Ainsi, si dans les premières années au pouvoir la coalition avait réussi à s’unir, notamment sur la question ukrainienne, des fissures ont commencé à apparaître sans tarder. Les désaccords se sont cristallisés au moment de soumettre le projet de budget de l’année 2025. D’un côté, les Verts et le SPD souhaitaient assouplir la limite du déficit budgétaire fixée 0,35% du PIB tandis que le FDP, de son côté, préconisait des coupes sociales et une plus grande rigueur budgétaire. Incapable de parvenir à un accord, Olaf Scholz a fini par limoger le ministre des Finances Christian Lindner, provoquant ainsi la dissolution de la coalition « feu tricolore ».

Un futur incertain

Le gouvernement étant désormais minoritaire, le chancelier Olaf Scholz a annoncé son intention de déposer une motion de confiance au Bundestag, l’équivalent de l’Assemblée nationale en France. Initialement prévue pour le 15 janvier, elle a été avancée au 11 décembre sous la pression de l’opposition. L’échec de la motion de confiance, inévitable pour un gouvernement minoritaire, déclenchera des élections législatives anticipées le 23 février. Malgré ce compromis, il sera difficile de gouverner en l’absence de majorité.

Les sondages actuels placent le parti conservateur CDU en première place avec environ 33% des intentions de votes, suivi de l’AfD, le parti d’extrême droite eurosceptique qui atteindrait 18%. Le SPD quant à lui ne recueillerait que 15% des suffrages. Même dans le cas d’une coalition CDU-SPD, le gouvernement ne disposerait pas d’une majorité et devrait s’allier avec un troisième parti. Or, au vu des récents résultats des élections législatives régionales, le FDP et le parti de gauche Die Linke, pourraient ne pas atteindre le seuil des 5% requis pour siéger au Bundestag. Bien qu’une alliance avec l’AfD soit pour l’instant vivement rejetée par l’ensemble des partis politiques, elle pourrait toutefois permettre au CDU de constituer une majorité gouvernementale. Cela renverrait cependant un signal préoccupant, avec un gouvernement intégrant un parti eurosceptique, dans une Europe déjà fragilisée. L’Allemagne se trouve actuellement dans une impasse politique majeure, dont il sera difficile de sortir.

Quelles répercussions pour l'UE ?

Cette crise politique survient à un moment particulièrement délicat. D’une part, la France deuxième grande économie de l’UE, a déjà été affaiblie politiquement avec la dissolution de l’Assemblée nationale et la défaite d’Emmanuel Macron. D’autre part, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis risque de poser de nombreux défis à l’UE. Les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de l’UE, pourtant Donald Trump a pris pour cible cette dernière et compte instaurer une taxe de 10 à 20% sur les biens fabriqués à l’étranger. L’élection de ce dernier suscite également des inquiétudes concernant la guerre en Ukraine, Trump ayant exprimé le souhait que l’Union assume un rôle plus actif dans la défense du continent. Si l’aide étatsunienne chiffrée aujourd’hui à environ 57 milliards d’euro venait à cesser, il serait compliqué pour Bruxelles de compenser une telle perte. En comparaison, l’aide des 27 se totalisent environ à 43,3 milliards d’euro.

L’explosion de la coalition allemande survient à un moment critique alors que l’UE doit plus que jamais affirmer son leadership. Seul l’avenir nous dira comment cette crise se résoudra et quelles en seront ses conséquences sur l’UE, mais cela reste néanmoins préoccupant et de mauvaise augure.

Sources:

  • Boutelet, C. (13 Novembre 2024). En Allemagne, Olaf Scholz se résout à des élections anticipées le 23 février 2025. Le Monde. URL
  • Fiedler, M. & Lehmann T. (9 Novembre, 2024). Wie wichtig ist Scholz jetzt noch in Europa? Der Spiegel. URL
  • Godin, R. (7 Novembre, 2024). La crise politique en Allemagne ouvre une ère d’incertitude. Mediapart. URL
  • Olivier, A. (13 Novembre, 2024). Election de Donald Trump : quelles conséquences pour l’Europe et la France ? Toute l’Europe. URL
  • Oltermann, P. (8 Novembre, 2024). Fiscal policy was a squabble too far for German coalition’s odd throuple. The Guardian. URL
  • Rinke, A. & Sims, T. (10 Novembre, 2024). Olaf Scholz signals willingness for earlier German confidence vote. Reuters. URL
  • Schuetze, C. F. (7 Novembre, 2024). What the Collapse of Germany’s Ruling Coalition Means. The New York Time. URL
  • Taylor, P. (9 Novembre, 2024). The collapse of Germany’s government will delight Trump – and his European friends. The Guardian. URL