C’est noté depuis sa nomination en juin 2024 par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour être la nouvelle Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères : Madame Kallas est connue principalement pour sa position anti-Russie et son soutien fort envers l’Ukraine. Cependant, selon Euronews, ses vues et ses expertises vers les autres régions (voir le Moyen-Orient) ne sont pas aussi fortes.

Ensuite, on a commencé à voir une distinction entre Madame Kallas et Monsieur Borrell : dans ses réponses écrites aux questions du Parlement européen en octobre 2024, l’Estonienne a qualifié la Chine seulement comme un “rival systémique” et a fait référence à sa “concurrence déloyale.” Un changement notable de Monsieur Borrell—qui a principalement décrit Pékin comme “un partenaire de coopération, un concurrent économique et un rival systémique”—qui peut signifier une posture européenne plus hostile envers la Chine quand le bloc est déjà préoccupé par la guerre en Ukraine.

Notamment, dans ses réponses, Madame Kallas n’a pas discuté spécifiquement l’Israël et le Gaza mais au lieu elle a mentionné “la crise au Moyen-Orient” et a souligné le besoin d’une solution à deux États. Ces mots aussi signifient une rupture avec les prises de positions de Monsieur Borrell, qui depuis les attentats du 7 octobre 2023 a sans cesse condamné le gouvernement israélien pour ses crimes contre l’humanité et ses actions de saper une solution à deux États. On s’inquiète donc que l’ascension de Madame Kallas pourrait blesser l’image morale de l’UE autour du droit international et des droits de l’homme.

L’ancienne première ministre estonienne a également abandonné le comportement de son prédécesseur vers les États-Unis. Pendant son mandat, Monsieur Borrell a souvent dit que l’UE doit poursuivre l’autonomie stratégique, car les États-Unis ont plusieurs priorités autour du monde à part la défense de l’Europe. Il a souligné subtilement aussi que la politique extérieure américaine peut changer radicalement selon les élections et que cette instabilité résultante devrait pousser l’UE vers une autonomie stratégique ainsi qu’une augmentation et une coordination des dépenses pour la défense. Par contre, Madame Kallas—bien qu’elle soit d’accord avec Monsieur Borrell en ce qui concerne une coordination de la défense européenne—apparemment ne peut pas imaginer une autonomie des États-Unis : elle a dit dan ses réponses écrites au Parlement européen que les États-Unis “resteront le partenaire et l’allié le plus important de l’UE.”

Pourtant, maintenant le président américain sera encore Donald Trump, qui a suggéré (entre autres choses) que la Russie doit envahir les états membres de l’OTAN qui n’ont pas atteint le niveau correct des dépenses sur la défense. La stratégie apparente de Madame Kallas d’essayer encore de poursuivre les relations étroites avec les États-Unis apparaît maintenant beaucoup plus risquée. Néanmoins, ce risque ne veut pas forcément dire qu’elle ratera, mais ça sera difficile de maintenir un lien cohérent avec les États-Unis sous un président qui est notoirement changeant ainsi que proche de Vladimir Poutine, l’ennemi principal de Madame Kallas. Donc, on peut se demander si ça sera mieux pour Madame Kallas de travailler pour trouver d’autres partenaires mondiales et renforcer la capacité stratégique de l’UE—ou, autrement dit, faire un retour de la doctrine de Monsieur Borrell ?

Sources :

Mared Gwyn Jones et Aïda Sanchez Alonso, “Kaja Kallas : le faucon anti-Poutine devient la plus haute diplomate de l’UE,” Euronews.fr, le 26 juin 2024. https://fr.euronews.com/my-europe/2024/06/26/kaja-kallas-le-faucon-anti-poutine-en-passe-de-devenir-la-plus-haute-diplomate-de-lue

Alexandra Brzozowski et Roberto Castaldi, “Les relations entre l’UE et la Chine vont dépendre de celles entretenues par Pékin avec Moscou, selon Josep Borrell,” Euractiv.fr, le 16 septembre 2024. https://www.euractiv.fr/section/chine/news/les-relations-entre-lue-et-la-chine-vont-dependre-de-celles-entretenues-par-pekin-avec-moscou-selon-josep-borrell/

Josep Borrell, “Navigating Europe’s Challenges: A Conversation With Josep Borrell,” Council on Foreign Relations, le 27 septembre 2024. https://www.cfr.org/event/navigating-europes-challenges-conversation-josep-borrell

Sarah Wheaton, “Commission nominees, on the record,” Politico.eu, le 23 octobre 2024. https://www.politico.eu/newsletter/brussels-playbook/commission-nominees-on-the-record/

Kaja Kallas, “Questionnaire To The Commissioner-Designate Kaja Kallas, High Representative for Foreign and Security Policy,” European Parliament, le 23 octobre 2024. https://hearings.elections.europa.eu/documents/kallas/kallas_writtenquestionsandanswers_en.pdf

Jorge Liboreiro, “Kaja Kallas dénonce le ‘rêve impérialiste’ de la Russie et la ‘concurrence déloyale’ de la Chine,” Euronews.fr, le 23 octobre 2024. https://fr.euronews.com/my-europe/2024/10/23/kaja-kallas-denonce-le-reve-imperialiste-de-la-russie-et-la-concurrence-deloyale-de-la-chi