La situation politique et la position française
La potentielle signature de l’accord entre l’Union Européenne et les pays membres du Mercosur fait l’objet d’une forte opposition en France, notamment chez les agriculteurs. Depuis quelques temps, sa signature est annoncée de manière informelle pour le 18 ou 19 novembre en marge de la réunion du G20 à Rio de Janeiro. À ce jour, (mercredi 20 novembre), le traité n’a pas été signé du fait de l’opposition de la France notamment. Les agriculteurs pensent que l’accord entrainerait une concurrence déloyale avec l’importation de 99 000 tonnes de viande de bœuf supplémentaire, 188 000 tonnes de volaille, 3,4 millions de tonnes de maïs, etc. Le prix de la main-d’œuvre étant bien inférieur en Amérique du Sud qu’en Europe, les produits importés seraient disponibles sur le marché européen à un prix imbattable, ce qui augmenterait la précarité des agriculteurs européens. Soutenir nos agriculteurs n’est pas la seule raison pour laquelle la France s’oppose à la signature de l’accord en l’état. Les produits sud-américains n’ont pas les mêmes normes de production et écologique que les produits européens, et, bien que les produits doivent être adaptés pour pouvoir être vendus sur le marché européen, beaucoup craignent que les produits sud-américains ne respectent pas toutes les normes que doivent respecter des produits européens.
__Un accord vraiment bénéfique pour les pays du Mercosur ? __ De plus, bien que peu abordé par les médias européens, ce traité de libre-échange n’aurait pas que des conséquences positives de l’autre côté de l’Atlantique. La captation par l’Union européenne d’une part des ressources naturelles des sols de l’Amérique latine va augmenter la pollution des sols (minages dangereux dans la cordillère des Andes) ; l’accroissement du volume de produits issus de l’agriculture et de l’élevage pour l’exportation va provoquer, quasi-assurément, une intensification de la déforestation, une réduction de la biodiversité et une prédation de l’habitat des peuples amazoniens. L’intensification des échanges transatlantiques va augmenter la pollution dû aux transports de marchandises. Également, les volumes d’échanges prévus par l’accord favorisent les grands groupes qui ont souvent assez peu de respect pour les droits des travailleurs. Tout cela ne correspond pas vraiment avec les valeurs défendues par l’Union Européenne
Un accord pour booster la croissance de l’UE
Cependant, la France ne représente pas les 27. En effet, de nombreux pays espèrent tirer des bénéfices de cet accord. L’Allemagne, en pleine crise politique et économique, espère pouvoir exporter des voitures et divers produits issus de l’industrie chimique vers les pays du Mercosur pour atténuer la crise économique qui touche le pays. D’autres entreprises espèrent pouvoir exporter abondamment des produits vers ce marché de 700 millions d’âmes (plus que le marché intérieur européen). L’accord permettrait également de fournir à l’Union Européenne une nouvelle source d’approvisionnement en ressources minières, notamment en lithium, ressource essentielle à l’électrification des moyens de transport.
Une nécessité géostratégique et géoéconomique ?
La signature de cet accord par l’Union Européenne concorde avec l’accroissement de la géopolitisation des relations internationales. En effet, cet accord donnerait à l’Union Européenne beaucoup plus de profondeur stratégique en augmentant son nombre de partenaires - notamment sur des ressources minières stratégiques comme le lithium ou le cuivre, deux minerais indispensables à la confection de batterie. La capacité à produire des batteries est essentielle pour l’Union Européenne avec son interdiction de commercialisation des voitures thermiques neuves en 2035 ainsi qu’avec ses autres engagements en matière d’écologie. Les partenaires traditionnels de l’Union Européenne en matière de ressources minières sont : le continent africain, la Chine et la Russie. Les relations avec ses régions du monde n’étant pas au beau fixe, la nécessité de se tourner vers d’autres partenaires est donc indispensable. Certaines de ces ressources sont particulièrement cruciales, comme le cuivre dont les gisements se font de plus en plus rare de part le monde et certains rapports mentionnent même un épuisement total des ressources mondiales de cuivre d’ici 2050. Cet accord, loin d’être parfait, semble être indispensable pour le bon développement de l’économie de l’Union Européenne ainsi que pour son autonomie vis-à-vis d’autres puissances. Le tout est de savoir où placer le curseur : l’autonomie stratégique ? Oui, mais à quel prix…