Dans les pays nordiques, tels que la Suède et la Finlande, les préoccupations portent davantage sur les conséquences environnementales de l’accord. Les défenseurs de l’environnement dénoncent les risques d’intensification de la déforestation en Amazonie, souvent directement liée à l’expansion des activités agricoles. Cette destruction massive des écosystèmes sud-américains pourrait aggraver la crise climatique mondiale, en réduisant la capacité de la planète à absorber le dioxyde de carbone et en menaçant gravement la biodiversité. L’organisation suédoise Swedish Society for Nature Conservation a récemment exhorté l’UE à renforcer les engagements climatiques inclus dans l’accord, affirmant que celui-ci, tel qu’il est actuellement conçu, pourrait compromettre les objectifs climatiques mondiaux. En Finlande, des partis politiques et des organisations environnementales ont également appelé à un moratoire sur la ratification de l’accord tant que des garanties environnementales plus strictes ne seront pas adoptées.
Un espoir pour certains États membres
Malgré ces critiques, plusieurs États membres voient dans cet accord une opportunité stratégique et économique pour leurs secteurs clés. En Allemagne, par exemple, la signature de l’accord est perçue comme une occasion de redynamiser l’industrie, dans un contexte de ralentissement économique. Les entreprises allemandes espèrent accéder plus facilement aux marchés sud-américains, notamment dans des secteurs comme l’automobile et la chimie. Ces industries, fortement exportatrices, pourraient bénéficier d’un cadre commercial plus favorable, réduisant les droits de douane et facilitant les échanges. Pour le ministre allemand de l’Économie, cet accord représente une chance pour l’Allemagne de maintenir sa compétitivité sur le marché mondial tout en renforçant ses liens économiques avec des partenaires stratégiques hors d’Europe.
En Espagne, les espoirs se concentrent sur le secteur agricole. Les entreprises spécialisées dans la production d’huile d’olive, de fruits et légumes, ainsi que d’autres produits horticoles, se réjouissent de l’opportunité de pénétrer de nouveaux marchés en Amérique du Sud. Ce vaste bloc économique, représentant environ 300 millions de consommateurs, pourrait offrir des débouchés importants pour les exportateurs espagnols. Le gouvernement espagnol, bien qu’il soutienne globalement l’accord, a cependant exprimé son souhait d’intégrer des clauses environnementales plus contraignantes pour répondre aux critiques croissantes sur les impacts climatiques de ce partenariat.
Une fracture persistante au sein de l’Union
Cette opposition entre États membres met en évidence les défis auxquels l’Union européenne est confrontée lorsqu’il s’agit de concilier des intérêts nationaux divergents avec des priorités globales, telles que la protection de l’environnement. Les pays favorables à l’accord insistent sur ses avantages économiques et stratégiques, tandis que ceux qui y sont opposés, comme la France, l’Irlande ou les nations nordiques, soulignent les risques pour l’agriculture locale et les écosystèmes mondiaux.
La Commission européenne a tenté de répondre à ces préoccupations en proposant des mécanismes supplémentaires, tels qu’un addendum environnemental visant à lier l’accord à des engagements climatiques précis. Toutefois, ces efforts peinent à convaincre certains États membres, qui continuent de demander des garanties plus solides.
En quelques mots...
L’accord UE-Mercosur dépasse la simple dimension économique. Il cristallise des enjeux politiques, environnementaux et sociaux, révélant les tensions inhérentes à la construction européenne. Si certains États membres y voient une opportunité stratégique pour renforcer leur compétitivité et diversifier leurs marchés, d’autres craignent qu’il n’aggrave les inégalités économiques et ne compromette les engagements environnementaux de l’Union. La signature de cet accord pourrait bien devenir un test de la capacité de l’Europe à équilibrer ses intérêts économiques et ses valeurs fondamentales.
Sitographie :
- The Irish Times, Charlie McConalogue, "Irish farmers voice fears over EU-Mercosur trade deal", publié le 05/11/2024.
- Swedish Society for Nature Conservation, "SSNC calls for stronger climate commitments in EU-Mercosur agreement", publié le 05/11/2024.
- Robert Habeck, "Germany eyes Mercosur deal to boost exports, Frankfurter Allgemeine Zeitung", publié le 03/11/2024.
- El País, "Spain backs EU-Mercosur pact with call for stronger environmental guarantees", publié le 02/11/2024.
- Commission Européenne, "Communiqué sur l’état des négociations UE-Mercosur", publié le 11/11/2024.
- Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), "Impact des accords commerciaux sur l'agriculture durable en Amérique latine" (08/11/2024).
- Ministère de l’Agriculture de France, "Note explicative sur l’opposition des agriculteurs français à l’accord Mercosur", publié le 12/11/2024.
- Le Monde, "Pourquoi les Français s’opposent à l’accord de libre-échange UE-Mercosur", publié le 16/11/2024.
- Libération, "Michel Barnier plaide à Bruxelles : les agriculteurs maintiennent la pression contre Mercosur", publié le 14/11/2024.
- Euractiv, "Mercosur : la Commission européenne entre pression et opportunité géopolitique", publié le 15/11/2024.
- The Guardian, "EU-Mercosur deal under fire: French farmers rally as talks reach final stages", publié le 17/11/2024.