La deuxième Commission européenne d’Ursula von der Leyen, dont les dernières commissaires seront approuvées par le parlement le 20 novembre 2024, marquera une nouvelle étape pour l’institution : le premier vice-président qui vient de l’extrême droite. C’est l’Italien Raffaele Fitto, désigné par Madame von der Leyen comme vice-président à la cohésion des territoires. Le ministre des affaires étrangères actuel sous le gouvernement de la première ministre italienne Giorgia Meloni, Monsieur Fitto est membre également du parti d’extrême droite eurosceptique Fratelli d’Italia (FDI) de Madame Meloni.
Dès la nomination des nouvelles commissaires en juin 2024, Monsieur Fitto a suscité l’opposition de la gauche au Parlement européen, qui a souligné que sa nomination serait une violation sérieuse du cordon sanitaire contre l’extrême droite dans les institutions de l’UE. En outre, on a noté que le groupe europarlementaire Conservateurs et réformistes européens (CRE), dont le FDI est membre, a voté contre le deuxième mandat de Madame von der Leyen comme Présidente de la Commission européenne. Donc la gauche a dit raisonnablement que le groupe CRE ne mérite pas une des six vice-présidences de la nouvelle Commission et alors a demandé que Monsieur Fitto, au lieu d’un vice-président, devient un commissaire régulier sans autorité sur d’autres commissaires.
Pour leur part, les eurodéputés CRE ont apparemment travaillé pour garantir l’ascension de Monsieur Fitto et donc la première vice-présidence pour leur propre groupe. Comme Politico a noté, le groupe CRE a voté pour approuver tous les commissaires-désignés pendant les processus d’audition devant le Parlement—sauf la Belge Hadja Lahbib, qui a été approuvée quand même grâce au soutien rare pour une nomination du groupe parlementaire de la Gauche.
En effet, les voix du groupe CRE sont devenues nécessaires pour l’approbation des commissaires, car un commissaire nommé a besoin du soutien des deux tiers du Parlement et le groupe de la Gauche ainsi que les deux groupes europarlementaires les plus de droite ont voté habituellement contre les nommés. Donc les eurodéputés CRE ont été requis pour atteindre le seuil des deux tiers ensemble avec les groupes du centre-gauche au centre-droite. Alors, on imagine bien que le groupe CRE a voté pour les nommés en échange du soutien pour Monsieur Fitto.
Et en fait, même si les socialistes ont condamné Monsieur Fitto, ils ont été aussi préoccupés avec l’approbation de leurs propres commissaires proposés, dont le nombre n’est que 5 vu qu’il n’y a que 5 chefs de gouvernement UE de la gauche actuellement. Ce sont les chefs de gouvernement des États membres qui nomment les nouveaux commissaires en consultation avec la présidente de la Commission et la gauche globalement n’a pas gagné trop d’élections nationales aux pays européens dans les années dernières.
Notamment, après l’opposition socialiste à Monsieur Fitto, le groupe du centre-droit Parti populaire européen (PPE) a essayé d’arrêter la candidature de la socialiste Teresa Ribera. L’Espagnole a été nommée par Madame von der Leyen à un poste puissant comme première vice-présidente pour la transition verte et la concurrence. Mais le groupe PPE a demandé si Madame Ribera, actuellement ministre dans le gouvernement espagnol, a été partiellement responsable pour la dévastation des inondations en Valence en novembre 2024. Au final, le groupe socialiste a décidé d’approuver Monsieur Fitto en échange de l’approbation de Madame Ribera par le PPE afin de ne pas risquer la perte de son poste important.
Un accord sordide qui a néanmoins provoqué la colère parmi certains de la gauche, notamment les membres de la délégation française socialiste au Parlement, dont plusieurs ont exprimé leur désaccord avec leur groupe politique. Le socialiste français Pierre Jouvet a écrit sur X qu’il “condamne fermement” la fin de la “ligne rouge” contre l’extrême droite aux niveaux les plus hauts de l’UE. Monsieur Jouvet a affirmé aussi que les socialistes français défieront leur groupe politique socialiste et voteront contre la Commission entière le 27 novembre. Une procédure qui est historiquement une formalité qui suit l’approbation de chaque candidat individuel par le Parlement. Cependant, on note bien que cette Commission marquerait le premier depuis 1999 avec aucun commissaire rejeté par le Parlement et on se demande s’il existe parmi la gauche et le centre le courage de voter contre la Commission afin d’essayer d’arrêter l’ascension de Monsieur Fitto et son mouvement de l’extrême droite ?
Sources :
Eddy Wax, Max Griera et Giovanna Coi, “How hard-right ECR became the commissioner nominees’ best friend,” Politico.eu, le 12 novembre 2024. https://www.politico.eu/article/giorgia-meloni-ecr-builds-good-will-before-fitto-hearing/
“Commission européenne : accord trouvé au Parlement sur la nouvelle équipe,” Lemonde.fr, le 20 novembre 2024. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/20/commission-europeenne-accord-trouve-au-parlement-entre-la-droite-le-centre-et-les-sociaux-democrates_6405895_3210.html
“Raffaele Fitto premier vice-président d’extrême droite nommé à la Commission européenne, la gauche ulcérée,” Huffingtonpost.fr, le 20 novembre 2024. https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/raffaele-fitto-premier-vice-president-d-extreme-droite-nomme-a-la-commission-europeenne-la-gauche-ulceree_242521.html
Max Griera et Eddy Wax, “Second von der Leyen era on track to start Dec. 1,” Politico.eu, le 20 novembre 2024. https://www.politico.eu/article/european-parliament-ok-new-commissioner/
Fernando Heller, “Commission européenne : Teresa Ribera obtient finalement la bénédiction du PPE et blâme le Partido Popular,” Euractiv.fr, le 21 novembre 2024. https://www.euractiv.fr/section/commission-europeenne/news/commission-europeenne-teresa-ribera-obtient-finalement-la-benediction-du-ppe-et-blame-le-partido-popular/
Jorge Liboreiro et Jean-Philippe Liabot, “Qui est qui dans la nouvelle Commission européenne ?” Euronews, le 21 novembre 2024. https://fr.euronews.com/my-europe/2024/11/21/qui-est-qui-dans-la-nouvelle-commission-europeenne