Ce jeudi 28 novembre, le premier ministre Géorgien : Irakli Kobakhidzé a annoncé publiquement le retrait du pays des négociations pour entrer dans l’Union Européenne. Des milliers de personnes se sont alors empressées d’aller manifester leur désaccord le soir même ainsi que les jours suivants. En réponse à ce soulèvement national, la police, usant de la force, a arrêté une centaine de personnes. On compte parmi les manifestants des journalistes et des politiciens.
La Géorgie a vu les tensions se raviver à la suite d’une résolution adoptée par le parlement Européen, jeudi 28 novembre, condamnant les élections législatives Géorgiennes d’Octobre 2024. Ces élections donnèrent pour vainqueur l’actuel premier ministre étant à la tête du parti « Rêve Géorgien », parti à tendance Pro-Russe. Une observation concernant les limites démocratiques des élections a mené vers cette résolution sans appel. Par ailleurs, des sanctions sont requises par l’Union Européenne envers les dirigeants politiques concernés et de nouvelles élections législatives sont exigées. Néanmoins, ce 1er décembre, le premier ministre Géorgien s’est refusé à organiser de nouvelles élections. On voit ici que la position du parlement Européen reflète les inquiétudes de l’Union Européen à accueillir en son sein un pays ayant une démocratie fragile.
Cette annonce de gel des négociations expose une marche arrière considérable pour le pays. Avant l’arrivée au pouvoir du parti de Irakli Kobakhidzé, en 2013, la Géorgie avait réussi à trouver un équilibre politique, étant notamment engagée contre la corruption et en faveur d’une avancée certaine vers l’Union Européenne. En cette fin d’année 2024, les cartes sont rebattues et la Géorgie, pourtant très européaniste, se retrouve face à une impasse politique. On peut interpréter cette marche arrière inattendue comme une volonté de rester en lien avec la Russie pour ce parti Géorgien pro-Russe. En effet, aujourd’hui en Géorgie, il y a toujours des tensions palpables dans les régions d’Abkhazie et d'Ossétie du Sud, 20% du territoire est sous influence Russe. En remettant en cause les élections, le parlement Européen remet donc en question l’influence Russe en Géorgie. En rendant plus concrète les négociations pour adhérer à l’Union Européenne, la Géorgie ferait un pied de nez à la Russie. Etant donné les conflits géographiques et identitaires, cela mettrait en jeu la stabilité interne du pays et sa sécurité nationale. Un des risques avec ce gel des négociations, qui a été fixé jusqu’en 2028, est que les négociations ne reprendront pas, au terme du gel, malgré une volonté feinte du premier ministre, et la main mise Russe persistera. Si la Géorgie replonge vers les abysses de l’influence du Kremlin, elle n’aura que plus de mal à s’en défaire et dépendra économiquement de la Russie ce qui limitera ses actions vers l’Europe. Cela prend en compte les positions fermes du gouvernement Russe à l’heure actuelle de la guerre avec l’Ukraine. La démocratie s’amenuisera en Géorgie, pays essayant tant bien que mal d’émerger malgré les divisions entre citoyens Géorgiens pro-Russes et pro-Européens.
Cette fracture avec l’Europe est également visible par la condamnation du conseil de l’Europe des répressions subies par les manifestants. Ainsi, l’éloignement de l’Europe pour la Géorgie est assurément enclenché. Si la situation politique reste la même avec les années, ce qui risque de se passer aux vues des positions du gouvernement Géorgien actuel, l’Union Européenne devra se passer d’un pays ayant un potentiel stratégique non-négligeable du fait de sa position géographique entre Asie centrale, Europe, Russie et Turquie.
Pour les Géorgiens pro-Européens, perdre cette opportunité d’adhésion annonce une perte de la protection de l’Union. C’est pourquoi l’indépendance Géorgienne, au niveau politique, stratégique et diplomatique sera grandement affectée.
Ainsi, cette résolution du parlement Européen révèle au grand jour, les fragilités indéniables de la démocratie Géorgienne ne semblant pas encore prête à épouser les mœurs Européennes en dépit d’une motivation pro-Européenne visible chez de nombreux citoyens exposant une instabilité interne dans le pays. On peut donc interroger ici la force de persuasion de l’Union Européenne qui semble perdre du terrain. La condamnation des « nombreuses et graves violations électorales » reste symbolique et le parlement ne peut soutenir plus concrètement les pro-Européens Géorgiens. Cela montre les limites des politiques extérieures des institutions Européennes, qui ne peuvent aider plus que de raison un pays de bonne foi qui est pris entre deux puissances mondiales. On y voit également une rivalité sous-jacente avec la Russie qui pourrait remettre en cause la sécurité globale du territoire Européen.
Dès lors, la politique d’élargissement de l’Union semble fragilisée face à des défis internes et régionaux complexes.
Sources:
Robin Dussenne. Seize ans après la guerre, les maux persistants des habitants de la frontière entre Ossétie et Géorgie. 26 octobre 2024. https://www.lecho.be/economie-politique/international/general/seize-ans-apres-la-guerre-les-maux-persistants-des-habitants-de-la-frontiere-entre-ossetie-et-georgie/10570912.html
Tamar Tabatadze. Mikheil Saakashvili: Struggle in Tbilisi would be more intense if I were free. 25 novembre 2024. https://1tv.ge/lang/en/news/mikheil-saakashvili-struggle-in-tbilisi-would-be-more-intense-if-i-were-free/
Le Parlement appelle à de nouvelles élections en Géorgie. Parlement Européen. 28 novembre 2024. https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20241121IPR25549/le-parlement-appelle-a-de-nouvelles-elections-en-georgie L’aggravation de la crise démocratique en Géorgie à la suite des récentes élections législatives et des allégations de fraude électorale. 28 novembre 2024. Parlement Européen. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2024-0054_FR.html
En Géorgie, le pouvoir prorusse boude l’Europe et réprime ses opposants. 29 novembre 2024. https://www.ouest-france.fr/europe/georgie/en-georgie-le-pouvoir-prorusse-boude-leurope-et-reprime-ses-opposants-658a5aa0-ae66-11ef-bb0b-2fe80bd2ed0f
Le Conseil de l’Europe « condamne fermement » la répression. 30 novembre 2024. https://www.armenews.com/spip.php?page=article&id_article=121931
Zurab Tsertsvadze. La Géorgie suspend les négociations d'adhésion à l'UE, accusant l'Union de se livrer à un "chantage". 28 novembre 2024. https://fr.euronews.com/my-europe/2024/11/28/la-georgie-suspend-les-negociations-dadhesion-a-lue-accusant-lunion-de-se-livrer-a-un-chan
En Géorgie, quatrième nuit de manifestations pro-Union européenne, le chef du gouvernement exclut l’organisation de nouvelles élections législatives. 1er décembre 2024. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/01/en-georgie-quatrieme-nuit-de-manifestations-pro-union-europeenne-le-chef-du-gouvernement-exclut-l-organisation-de-nouvelles-elections-legislatives_6423563_3211.html