A l’automne 2024, les 26 futurs commissaires européens ont été auditionnés entre le 4 et le 12 novembre par les commissions parlementaires et ont été officiellement élus à l’issue du vote des députés européens le 27 novembre, lors de la troisième session plénière du mois. Les commissaires commenceront ensuite leurs activités à Bruxelles dès le 1er décembre.

Les médias européens se sont emparés de ce travail législatif quinquennal à coups de titres accrocheurs : un « Parlement européen qui se déchire » pour Le Monde ou une Commission européenne entière qui « est en jeu » à La Nueva España. Mais alors que s’est-il passé pour mettre en question la stabilité politique de ces institutions ? Les noms de Raffaele Fitto, Olivér Várhelyi et Teresa Ribera ont fait la une des journaux. Fitto et Várhelyi, deux hommes politiques proches des leaders italiens et hongrois ont particulièrement été questionnés sur leur impartialité. D’autre part, Teresa Ribera a été la cible des députés espagnols du PPE. Ceux-ci ont décidé de bloquer sa désignation à cause de sa gestion des inondations à Valence en tant que 3ème vice-présidente d’Espagne. En réponse, les socialistes européens veulent retarder la nomination des deux commissaires hongrois et italiens. Mais, après plusieurs journées de négociations, les parlementaires réussissent à trouver un chemin d’entente permettant la nomination de chacun des commissaires sans qu’aucun Etat-membre ait dû proposer un nouveau candidat. Alors que les européens croyaient à une impasse politique, ce problème s’est résolu en quelques jours seulement.

Les médias en auraient-ils trop fait ?

Si l’on compare la situation actuelle avec celle de 2019, cinq ans plus tard le processus de « recrutement » des commissaires européens était un jeu d’enfant. Tout d’abord, Rovana Plumb et László Trócsányi avaient été exclus par la commission des Affaires juridiques avant même de passer leurs auditions. Les deux commissaires ont été jugés inéligibles au poste à cause de conflits d’intérêts (suspicion de corruption pour l’une et de liaison politique avec Poutine pour l’autre). Toujours en 2019, la candidate française Sylvie Goulard s’est vue être remplacée par Thierry Breton, elle aussi, à cause d’un soupçon de conflit d’intérêts (l’Office européen de lutte anti-fraude révéla sa rémunération par un think tank américain entre 2013 et 2016 alors qu’elle occupait le poste d’eurodéputée). Finalement, le vote d’approbation prévu 3 semaines après la fin des auditions (23/10/2019) a été reporté au 27 novembre. Néanmoins, il y a cinq ans, le collège des commissaires avait été élu avec une très large majorité, approuvé par 669 voix sur un total de 693 votes.

En 2024, bien que le vote n’ait pas été retardé, il a suscité une surprise d’une autre nature. En effet, ce 27 novembre, le collège des commissaires d’Ursula von der Leyen a été approuvé par le Parlement européen avec seulement 51% des voix. Il y a eu un total de 370 voix favorables, 282 défavorables et 36 abstentions. C’est la première fois que l’approbation d’une nouvelle Commission suscite autant de rejets chez les députés européens. Parmi les nombreux votes contre, on retrouve ceux des 22 députés du PP espagnol hostiles à la désignation de Teresa Ribera. RTVE Noticias alerte ses lecteurs que le parti espagnol n’a pas hésité à mettre en difficulté le PPE pour une rivalité politique nationale. A leur tour, tous les eurodéputés français du groupe des Verts contestent l’approbation car ils se refusent à une Europe d’extrême droite. En définitive, ce vote très tranché du Parlement peut se traduire par un indicateur critique pour la suite des relations politiques au sein de l’UE ; si les députés sont incapables de faire des concessions, comment l’Europe prendra-t-elle des décisions ?

Sources : Alice Galopin, « Commission européenne : on vous explique pourquoi le rejet de la candidature de Sylvie Goulard plonge la France dans l'embarras », Franceinfo, 11/10/2019, https://www.francetvinfo.fr/politique/modem/assistants-parlementaires-du-modem/commission-europeenne-on-vous-explique-pourquoi-le-rejet-de-la-candidature-de-sylvie-goulard-plonge-la-france-dans-l-embarras_3653391.html Marie Guitton, « Les auditions des commissaires européens par les eurodéputés (mode d’emploi) », Toute l’Europe, 04/09/2024, https://www.touteleurope.eu/institutions/les-auditions-des-commissaires-europeens-par-les-eurodeputes-mode-d-emploi/ Philippe Jacqué et Virginie Malingre, « Le Parlement européen se déchire sur la nomination des commissaires », Le Monde, 14/11/2024 https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/14/le-parlement-europeen-se-dechire-sur-la-nomination-des-commissaires_6393173_3210.html Hugo Palacin, « Commission européenne : quels sont les candidats recalés à l’issue des auditions du Parlement européen ? », Toute l’Europe, 28/11/2024, https://www.touteleurope.eu/institutions/commission-europeenne-quels-sont-les-candidats-recales-lors-des-precedentes-auditions/ Beatriz Ríos, “Las socialistas avisan que "esta en juego" toda la Comisión por el no del PP a Ribera”, La Nueva España, 14/11/2024 (article consulté en version papier sur le site : https://www-pressreader-com.bnf.idm.oclc.org/spain/la-nueva-espana-be/20241114/page/1) « Los comisarios de Von der Leyen logran el respaldo del Parlamento Europeo con el voto en contra del PP español », RTVE Noticias, 27/11/2024, https://www.rtve.es/noticias/20241127/parlamento-europeo-vota-tras-bloqueo-si-valida-comisarios-von-der-leyen/16347834.shtml LIVE: Parliament votes on the new European Commission, poste Twitter, 27/11/2019, https://x.com/Europarl_EN/status/1199645469288341505