Les eurodéputés ont décidé le 4 décembre de commencer les débats sur une nouvelle directive concernant les allégations environnementales, ce qui constitue une étape essentielle dans la lutte contre le greenwashing. En effet, cette pratique, consistant à utiliser abusivement des arguments écologiques pour promouvoir des produits ou services, est actuellement au cœur des inquiétudes des consommateurs et des institutions européennes.
Pourquoi une directive est-elle nécessaire ?
En 2020, une enquête de la Commission européenne a révélé que plus de 50 % des allégations environnementales étaient « vagues, trompeuses ou infondées », tandis que 40 % n’étaient pas étayées par des preuve. Par exemple, TotalEnergies, tout en annonçant son ambition de neutralité carbone pour 2050, a simultanément lancé un projet controversé d'exploitation gazière en Arctique, suscitant des accusations de greenwashing. De même que l'enseigne H&M, qui a mis en avant des collections comprenant des t-shirts arborant le slogan « There is no Planet B » et soulignant l'utilisation de tissus recyclés, bien que ces derniers ne représentaient en réalité que 20 % des matériaux utilisés. Ces pratiques abusives fragilisent donc la confiance des consommateurs et nuisent aux entreprises engagées dans des démarches sincères de responsabilité sociétale (RSE). Selon une étude de Simon-Kucher & Partners, 40 % des consommateurs seraient prêts à payer plus cher pour des produits ayant une empreinte écologique positive1. Or, cette proportion varie selon les régions : elle atteint 50 % en Europe de l’Ouest, mais seulement 30 % en Europe de l’Est, reflétant des différences économiques et culturelles
Les grandes lignes de la directive
La directive prévoit d’imposer des règles strictes aux entreprises souhaitant communiquer sur les vertus écologiques de leurs produits. Parmi les mesures clés :
- Vérification indépendante : Toutes les allégations devront être prouvées et validées par un tiers avant la mise sur le marché.
- Interdiction d’allégations vagues : Des termes génériques tels que « neutre en carbone » ou « respectueux de l’environnement » seront proscrits à moins d’être accompagnés de preuves détaillées. Cette mesure pourrait inciter les grandes entreprises à revoir complètement leurs stratégies marketing, en se concentrant davantage sur des certifications écologiques validées et des preuves scientifiques solides pour gagner la confiance des consommateurs. Par exemple, cela pourrait réduire les campagnes publicitaires excessivement vagues et pousser les entreprises à investir davantage dans des pratiques environnementales réelles et mesurables.
- Sanctions : Les entreprises ne respectant pas ces règles risquent des amendes allant jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires annuel.
Les critiques et enjeux
Malgré son ambition, la directive suscite des réticences. Les entreprises, notamment les PME, craignent une charge administrative accrue due à la vérification systématique des allégations. Comme l’a souligné Jean Dupont, représentant d’une PME dans le secteur alimentaire, « La vérification obligatoire des allégations environnementales augmente nos coûts et ralentit la mise sur le marché de nouveaux produits, ce qui est un défi pour de petites structures comme la nôtre ».
Le Conseil de l’UE a, de son côté, exprimé des réserves concernant les sanctions, préférant des approches plus souples. Cependant, le Parlement insiste sur l’importance de mesures coercitives pour créer un cadre juridique clair et dissuasif.
Une avancée pour la durabilité
Cette directive, combinée à d’autres initiatives telles que la loi française Climat & Résilience de 2021, représente un pas décisif vers une consommation plus responsable en Europe. En effet, adoptée en 2021, cette loi impose notamment l’étiquetage environnemental sur certains produits pour informer les consommateurs de leur impact écologique. Elle renforce également les obligations des entreprises en matière de RSE, comme l’interdiction des publicités pour les combustibles fossiles.
La frise chronologique illustre bien cela, elle permet de mettre en avant l’évolution des initiatives législatives et réglementaires visant à renforcer la transparence des allégations environnementales et à lutter contre le greenwashing. En France, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) de 2020 et la loi Climat et Résilience de 2021 marquent donc les premières étapes. Au niveau européen, le projet de directive « Empowering Consumers » de 2022 et la directive Green Claims de 2023 mettent en lumière les efforts conjoints pour harmoniser les règles dans l’UE. La directive « Empowering Consumers », en particulier, vise à renforcer la capacité des consommateurs à prendre des décisions éclairées grâce à des informations fiables. La transposition de ces directives en droit national prévue pour 2024 symbolise une accélération significative vers un cadre réglementaire européen plus rigoureux et transparent, répondant aux préoccupations des citoyens et des ONG en matière de pratiques commerciales abusives.
Ces mesures ont donc permis d’éduquer les consommateurs et de promouvoir des alternatives plus durables, tout en dissuadant les pratiques de greenwashing. En favorisant la transparence et en responsabilisant les entreprises, cette nouvelle directive pourrait non seulement restaurer la confiance des consommateurs mais également accélérer la transition écologique.
Conclusion
La lutte contre le greenwashing est donc essentielle pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de durabilité. La directive anti-greenwashing promet de transformer les pratiques commerciales et d’établir un nouveau standard pour les allégations environnementales. Toutefois, son succès dépendra de son application rigoureuse et de la coopération entre les États membres, les entreprises et les consommateurs.
> 1 A propos de l'étude : L’enquête ‘Global Sustainability Study 2021’ a été menée en juillet 2021 par Simon-Kucher & Partners, à partir de données de panel fournies par Dynata, une agence indépendante d'études de marché. 10 281 consommateurs ont été interrogés dans 17 pays : États-Unis (1 062), Allemagne (1 022), Danemark (771), Suède (757), Brésil (539), Chine (516), Japon (516), Espagne (515), Suisse (514), Royaume-Uni (513), Australie (510), Autriche (510), France (510), Pays-Bas (510), Norvège (506), Italie (506), EAU (504), y compris des quotas représentatifs fixés pour l'âge, le sexe, la zone d'habitation, le niveau d'éducation, le statut professionnel et le niveau de revenu. L'étude, qui a été conçue pour mesurer les attitudes des consommateurs envers la durabilité, l'importance de la durabilité et la volonté de payer pour la durabilité, s'est également concentrée sur 17 catégories différentes de produits/services des secteurs suivants : biens de consommation et vente au détail ; automobile ; voyages et tourisme ; énergie/commodités ; services financiers ; et construction.
__Sources: __
- Parlement européen. (2024). Non au greenwashing et aux informations trompeuses sur les produits. Consulté à l’adresse : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240112IPR16772/non-au-greenwashing-et-aux-informations-trompeuses-sur-les-produits
- Social Declik. (n.d.). Greenwashing : quel est le cadre légal et comment le repérer ? Consulté à l’adresse : https://socialdeclik.com/greenwashing-quel-est-le-cadre-legal-et-comment-le-reperer/
- Euractiv. (n.d.). Bruxelles approuve l’ouverture des négociations sur une nouvelle directive anti-greenwashing. Consulté à l’adresse : https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/bruxelles-approuve-louverture-des-negociations-sur-une-nouvelle-directive-anti-greenwashing/
- Simon-Kucher & Partners. (n.d.). Étude : Plus d’un tiers des consommateurs sont prêts à payer plus pour des produits et services durables. Consulté à l’adresse : https://news.cision.com/fr/simon-kucher
-partners/r/etudeplus-d-un-tiers-des-consommateurs-sont-prets-a-payer-plus-pour-des-produits-et-services-durab,c3441395
- YouGov. (2021). Les consommateurs et les achats environnementaux. Consulté à l’adresse : https://fr.yougov.com/consumer/articles/35521-consommateurs-achats-environnement
- Place Publique. (n.d.). 2/3 des consommateurs prêts à agir pour l’environnement. Consulté à l’adresse : https://www.place-publique.fr/index.php/environnement/2-3-des-consommateurs-prets-a/
- Ekodev. (n.d.). Greenwashing : cadre réglementaire. Consulté à l’adresse : https://ekodev.com/actualites/greenwashing-cadre-reglementaire/