Les raisons de l’opposition française
La France critique vivement l’impact potentiel de cet accord sur son secteur agricole. La principale inquiétude concerne les importations massives de viande bovine : jusqu’à 99 000 tonnes par an pourraient entrer sur le marché européen à un taux douanier préférentiel de 7,5 %. Les éleveurs français, déjà fragilisés par la concurrence internationale, craignent une concurrence déloyale face aux producteurs sud-américains, qui bénéficient de coûts de production bien plus faible et de normes environnementales moins strictes.
Paris dénonce également l’absence de “clauses miroirs”, qui garantiraient que les produits importés respectent les mêmes normes sanitaires et environnementales que ceux de l’Union européenne. Les pesticides interdits en Europe, comme le paraquat, restent autorisés dans plusieurs pays du Mercosur. C’est aussi le cas d’antibiotiques et hormones de croissance bannis dans l’UE. Cette asymétrie soulève des questions sur la traçabilité et la sécurité des produits qui circuleront en Europe. Cela pose des problèmes de traçabilité des produits une fois en circulation en Europe La France utilise aussi l’argument environnemental. Elle souligne que l’accord pourrait accentuer la déforestation de l’Amazonie et des savanes brésiliennes. Cela irait à l’encontre des engagements pris dans l’accord de Paris sur le climat.
Les arguments en faveur de l’accord
Pour les pays européens, le Mercosur représente une opportunité de diversifier leurs sources d’approvisionnement en matières premières : le cuivre, le nickel et l’aluminium sont nécessaires à la transition énergétique. En contrepartie, les pays d’Amérique latine bénéficieront d’un accès élargi aux marchés européens, notamment pour leurs produits agricoles. L’Union européenne espère également renforcer ses exportations industrielles vers le Mercosur. Les droits de douane, actuellement à 35 % sur les voitures et 27 % sur le vin, seront progressivement réduits. Selon la Commission européenne, cet accord pourrait engendrer une croissance supplémentaire de 0,1 % dans l’UE d’ici 2032. L’accord permettrait aussi de consolider ses relations avec l’Amérique latine face à la montée en puissance de la Chine (principal partenaire commercial du Mercosur) et à la politique protectionniste des États-Unis.
Un désaccord révélateur de divisions en Europe
La France est un des seuls pays vraiment mécontents de l’accord. Certains pays, comme la Pologne ou l’Italie, partagent des réserves sur l’impact agricole mais d’autres, comme l’Allemagne et l’Espagne, soutiennent l’accord. Berlin y voit un moyen de renforcer ses exportations et de stabiliser son industrie. Quant à l’Espagne, dont les entreprises entretiennent des liens historiques avec l’Amérique latine, elle défend cet accord comme une opportunité stratégique. Cette divergence reflète les priorités économiques et politiques variées des États membres. En France, l’agriculture a un statut symbolique au niveau national alors qu’en Allemagne, cet accord commercial sont perçus comme un moteur de croissance et donc de façon positive.
Une tentative de commun accord
Face à ces critiques, la Commission européenne a inclus certaines garanties dans l’accord. Les deux parties se sont engagées à mettre fin à la déforestation illégale d’ici 2030, et l’UE pourrait suspendre l’accord en cas de violations des engagements climatiques. De plus, un fonds d’indemnisation agricole d’un milliard d’euros a été proposé/ Il pourrait soutenir les secteurs les plus vulnérables comme l’élevage. Cependant la France exige une révision plus ambitieuse, notamment pour les clauses miroirs et le contrôle des produits importés. Il n’est pas impossible que la France essaie de mettre un véto au moment de la ratification dans le cas contraire.
L’accord UE-Mercosur pose un dilemme crucial : il oscille entre les promesses du libre-échange et la protection des normes sociales et environnementales. La position de la France en est un bon exemple car elle soulève des points importants. Ce débat, au-delà des enjeux agricoles, reflète la nécessité pour l’Europe de redéfinir sa politique commerciale dans un monde de plus en plus interdépendant.
Sources :
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Geoffroy, R. (2024, décembre 6). Accord entre l’UE et le Mercosur : Les réponses à vos questions. Lemonde.fr https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/12/06/l-accord-de-libre-echange-entre-l-ue-et-le-mercosur-a-ete-conclu-les-reponses-a-vos-questions-sur-son-contenu-et-ses-consequences_6405371_4355771.html
Jannic-Cherbonnel, F. (2024, novembre 20). Mercosur : Pourquoi la France est-elle l’un des seuls pays de l’UE à être opposé à cet accord de libre-échange ? Franceinfo. https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/mercosur-pourquoi-la-france-est-elle-l-un-des-seuls-pays-de-l-ue-a-etre-oppose-a-cet-accord-de-libre-echange_6904799.html
Lequeux, V. (2024, novembre 18). Accord UE-Mercosur : Pourquoi la France s’y oppose-t-elle ? Touteleurope.eu. https://www.touteleurope.eu/agriculture-et-peche/accord-ue-mercosur-pourquoi-la-france-s-y-oppose-t-elle/
Olivier, A. (2024, décembre 16). Commerce : Qu’est-ce que l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne ? Touteleurope.eu. https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/commerce-qu-est-ce-que-l-accord-de-libre-echange-entre-le-mercosur-et-l-union-europeenne/