Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne et en charge du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE), était en visite à Tbilissi en Géorgie le 26 novembre 2012 après les élections législatives du 1er octobre. Le "Mouvement national unifié" du président proeuropéen Mikheïl Saakachvili, au pouvoir depuis neuf ans, a été battu par la coalition d’opposition "le Rêve géorgien" du milliardaire prorusse Bidzina Ivanichvili, devenu Premier ministre.

La transition pacifiste du pouvoir semblait assurée car le meneur de la “révolution des roses” en 2003 a accepté sa défaite. Mais le nouveau Premier ministre, qui s’était dit prêt à une cohabitation avec le président, est revenu sur ses paroles.

Au contraire, règne depuis quelques semaines à Tbilissi un parfum de revanche et de chasse aux sorcières avec l’arrestation d’ex-ministres, de fonctionnaires et de policiers, proches pour la plupart du président Saakachvili. Le nouveau gouvernement d’Ivanichvili a promis des procès honnêtes mais les proches du président et des dirigeants européens s’inquiètent d’une véritable épuration politique.

Le bras de fer entre les deux camps rivaux a aussi des conséquences pour l’Europe car ce pays du Caucase est une voie essentielle pour le gazoduc de la mer Caspienne vers les pays européens et est un enjeu dans la rivalité entre la Russie et les puissances occidentales. L’élite géorgienne fidèle à Saakachvili, fervent supporter de l’adhésion à l’OTAN perçue comme marchepied à l’entrée un jour dans l’Union européenne, redoute dorénavant un rapprochement avec Moscou même si le nouveau chef du gouvernement géorgien a assuré vouloir poursuivre une politique pro-occidentale.

Alors que le secrétaire général de l’OTAN, Fogh Rasmussen, qui a reçu le président et Premier ministre géorgiens à Bruxelles, s’est dit “très préoccupé par ce qu’il se passe”, le discours de Catherine Ashton du 26 novembre reste très prudent et ne condamne pas explicitement les affaires intérieures du pays. En effet, elle a salué les élections démocratiques, remerciant les deux politiciens pour leurs efforts, et souhaite poursuivre les relations avec la Géorgie. Mais comme ce fut le cas en Ukraine, une autre république de "l’étranger proche" de la Russie, la marche vers une démocratie se terminera-t-elle en véritable purge des proches de Saakachvili dont le mandat se termine en octobre 2013 ? En tout cas le SEAE semble décidé à garder des relations diplomatiques avec la Géorgie et se refuse donc à s'immiscer dans la politique intérieure de ce pays.

Reste que dans le camp Saakachvili une certaine amertume demeure sur l’attitude des Européens à son égard. La "révolution des roses" a largement été faite dans la perspective d’une Europe bienveillante. On se souvient pourtant à Tbilissi du refus en 2008 de Berlin et Paris d’accorder un statut de candidat à la Géorgie pour l’Alliance atlantique. Et cela quelques mois avant la guerre en août entre la Russie et la Géorgie qui a abouti à une amputation d’une partie de son territoire (Abkhazie et Ossétie du Sud).

Sources

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/EN/foraff/133811.pdf

http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/10/02/l-opposition-en-tete-en-georgie-selon-des-resultats-partiels_1768541_3214.html

http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202379317526-la-difficile-cohabitation-a-la-caucasienne-en-georgie-510038.php

http://www.lefigaro.fr/international/2012/11/16/01003-20121116ARTFIG00391-georgie-chasse-aux-sorcieres-dans-les-milieux-de-la-defense.php

http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/La-Georgie-veut-convaincre-de-son-ancrage-a-l-Ouest-_NP_-2012-11-11-874621