Le gouvernement conservateur de Mario Rajoy du Parti Populaire espagnol a soumis en décembre dernier un projet de loi visant à réduire l’accès à l’avortement. Présentée et approuvée en Conseil des ministres, cette réforme prévoit de ne rendre possible l’avortement qu’en cas de danger avéré pour la mère et/ou l’embryon, et de viol s’il est rapporté aux autorités. Autre fait : les mineures devront obtenir une autorisation parentale pour pouvoir avorter. Soulevant un vent de colère chez les espagnoles, cette régression des libertés individuelles des femmes pourrait bien emboîter le pas à d’autres pays européens comme la Lituanie et la Pologne. Un retour en arrière, considéré comme dangereux pour les opposants espagnols et européens. Les espagnoles avaient obtenu le droit d’avorter jusqu’à 14 semaines en 2010, soit 31 ans après la France.
Le 10 décembre 2013, le texte de l’eurodéputée Estrela défendant un accès généralisé à la contraception et à des services d’avortement de qualité avait été balayé par le Parlement européen. A la place, il a choisi d’adopter un texte laissant les pays membres légiférer nationalement. Le 22 janvier dernier, le Parlement européen s’est rassemblé pour débattre sur le projet de loi espagnol.
Pour Pervenche Bérès, députée socialiste, le droit des femmes à disposer de leur corps, notamment le droit à l’IVG, s’inscrit dans un corpus de « valeurs européennes » qu’il faut défendre. En effet, bien que l’avorte-ment soit accepté dans la majeure partie des pays européens, certains pays commencent à se raviser. La Pologne et l’Irlande en tête de file. A Malte et Andorre, l’IVG est tout simplement interdit et ces pays ont fait en sorte que l’UE ne puisse avoir aucune marge de manœuvre à ce sujet. Sur fond d’une profonde crise sociale, économique et politique, l’Espagne connaît des heures moroses. Le gouvernement espagnol ne déroge pas à ce que Simone de Beauvoir déplorait : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ».
Elena Valenciano du Parti ouvrier socialiste espagnol dénonce une mesure « d’extrême droite » et appelle l’Europe à faire barrage. En effet, dans ce cas de figure, seule l’Europe apparaît comme un rempart. C’est d’ailleurs à travers elle que des milliers de manifestants et manifestantes se sont réunis ces dernières semaines pour soutenir les femmes espagnoles et à plus grande échelle le droit des femmes à disposer de leur corps librement. Les réseaux sociaux ont été pris d’assaut, et des photographies de femmes arborant un cintre avec ces messages « Nunca mas » (« plus jamais »), « Mi cuerpo, mi escojido » (« mon corps,mon choix»), « Patriarca mata » (« Le patriarcat tue ») ont circulé sur la toile. Si l’avortement est encore un droit dont les françaises peuvent se prévaloir, il faut être alerte, car un tel rétropédalage espagnol pourrait être un scénario possible en France et plus largement en Europe. Nourris de soubresauts extrémistes et réactionnaires, des mouvements « pro-vie » éclosent ci et là, rappelant que la préservation des droits des femmes et des individus est un travail quotidien.
Le Parlement européen a pris des pincettes en ce 22 janvier, car s’il dénonce en bloc un retour en arrière du gouvernement Rajoy, il ne se positionne pas concrètement sur les « droits sexuels et génésiques ». Strasbourg a décidé de laisser libre choix aux États membres, en d’autres termes, de confier le sort du corps des femmes aux États. L’Europe sociale et la gauche doivent aller de concert pour dénoncer cette décision du gouvernement de la péninsule ibérique et placer le débat sous le feu des projecteurs. C’est en tout cas ce qu’espèrent les espagnoles et le parti socialiste espagnol.
Johanna Drouet
Sources :
http://www.rfi.fr/europe/20140116-le-parlement-europeen-s-empare-debat-avortement-espagne
http://espagne.blog.lemonde.fr/2014/01/19/avortement-le-parti-socialiste-espagnol-attend-le-soutien-de-leurope/ http://fr.euronews.com/2014/01/16/avortement-en-espagne-seance-houleuse-au-parlement-europeen/
http://geopolis.francetvinfo.fr/avortement-le-retour-en-arriere-de-lespagne-un-premier-signe-en-europe-28245