Pendant que la France se concentre sur les primaires de la droite et du centre (jusqu’à 6,5 millions de téléspectateurs pour le premier débat (1)), en Allemagne, la question se pose actuellement de l’autre côté de l’échiquier: qui, de Sigmar Gabriel ou de Martin Schulz, mènera la bataille des législatives à gauche?

Sigmar Gabriel serait le candidat naturel : Chef du SPD, il a réussi à reconstruire le parti après la grave crise de 2009 et à le ramener dans la coalition au pouvoir. De plus, en tant que Ministre des Finances et Vice-Chancelier, il maitrise parfaitement les dossiers nationaux. Mais il hésite, et ses échecs passés, ses revirements incessants et son ton souvent cassant font souhaiter à beaucoup de voir arriver un autre homme providentiel.

Depuis quelques jours, c’est donc le nom d’un autre qui se retrouve sur toutes les lèvres : celui de son ami, Martin Schulz. Le Président du Parlement Européen a réussi à mieux faire connaître l’institution, à la mettre au centre des discussions, à provoquer des débats, mais surtout, son expérience internationale, son pragmatisme, sa popularité et sa capacité à enthousiasmer les électeurs (2) font de lui le candidat idéal pour cette partie de la gauche qui tend de plus en plus vers un « Tout sauf Gabriel ». Ses prises de position sur les prochaines élections ou sur la situation nationale (3), comme la parution récente d'une biographie très bienveillante à son endroit laissent penser qu'il a déjà commencé à prendre la température et attend de voir l'accueil qu'on lui réserve pour se déclarer.

Schulz ne prendrait jamais la place de son ami, à qui il revient donc de prendre une décision difficile : Gabriel sait que pour lui, cette fois, c’est tout ou rien. S’il laisse la place à Schulz, il devra aussi quitter la tête du parti (4).

La décision ne devait être prise qu’au printemps 2017, mais la position de Schulz au parlement Européen pourrait accélérer le processus de désignation : Après les dernières élections, il avait été convenu avec le PPE qu'il démissionnerait de la présidence en janvier 2017 pour laisser sa place à la droite, plus nombreuse au Parlement Européen. Mais entretemps, Donald Tusk est arrivé à la présidence du Conseil. Si Schulz laisse sa place, tous les postes–clés seront occupés par les conservateurs. En juin, l’Allemand avait donc convaincu Jean-Claude Juncker de prendre position pour lui, avançant qu’on ne change pas de capitaine dans la tempête. La prise de position du Président de la Commission a été fort mal acceptée par ses troupes: comment les Présidents pouvaient-ils se permettre de casser un compromis accepté par tous sans consulter les députés (5)? Le PPE a donc décidé de tout mettre en œuvre pour présenter un candidat solide et faire tomber ce Schulz qui, s'il a réussi à faire briller le Parlement dans la constellation européenne, fait aussi de l’ombre à beaucoup. Mais la droite a bien du mal à trouver un candidat convaincant, et ceux qui pourraient l'être ne veulent pas y aller (6). Tout reste donc ouvert, la perspective d’une réélection comme un départ vers Berlin.

Les partisans de Schulz souhaitent une décision rapide, pour assurer l’avenir du parti, et expriment donc leur préférence de plus en plus fort, espérant ainsi pousser le chef du SPD au retrait et le Président du Parlement Européen à la candidature avant que la décision ne se prenne à Bruxelles, ce qui ferait passer la candidature de Schulz comme un choix par défaut.

Si plusieurs candidats se présentent, la gauche allemande en passera par une primaire (7), mais peu nombreux sont pour l’instant ceux qui sont prêts à affronter Merkel. Les chances de la gauches sont faibles, mais meilleures avec Schulz qu’avec aucun autre. Alors: Berlin ou Bruxelles ? Gare à celui qui court deux lièvres à la fois…

Sources: (1) http://www.liberation.fr/france/2016/10/14/debat-de-la-primaire-lr-echecs-et-audimat_1522084

(2) (en allemand) http://www.stern.de/politik/deutschland/-kann-leute-begeistern--ministerpraesident-weil-traut-schulz-spd-kanzlerkandidatur-zu-7104604.html?utm_campaign=politik&utm_medium=rssfeed&utm_source=standard

(3) (en allemand) http://www.zeit.de/politik/2016-10/martin-schulz-interview-spd-linke-europapolitik-populismus

(4) (en allemand) http://www.spiegel.de/politik/deutschland/martin-schulz-was-spricht-fuer-ihn-als-spd-kanzlerkandidat-a-1115850.html#ref=rss

(5) (en allemand) http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/ueber-die-politische-zukunft-von-martin-schulz-14472189.html

(6) (en allemand) http://www.spiegel.de/politik/ausland/eu-parlament-chaostage-bei-suche-nach-martin-schulz-nachfolger-a-1115146.html

(7) (en allemand) http://www.wochenblatt.de/nachrichten/welt/SPD-Vizechef-Stegner-haelt-Gabriel-und-Schulz-als-Kanzlerkandidaten-fuer-geeignet;art29,396290