La provocation de Geert Wilders sur son profil Twitter: un montage d’Angela Merkel, les mains couvertes de sang.
Alors que l’Allemagne et l’Europe sont encore en deuil, les représentants des principaux partis populistes d’extrême droite de différents pays d’Europe ont attaqué la chancelière allemande, en l’accusant d’être la responsable de ce massacre par ses choix de politique d’immigration. Dans l’œil du cyclone se trouve la gestion de la crise des réfugiés que Mme Merkel a mis en place depuis septembre 2015. Face à l’urgence humanitaire, Mme Merkel avait été la seule dirigeante européenne à ouvrir les frontières à des milliers de personnes qui tentaient de fuir le conflit syrien. Toutefois, la dimension du phénomène a mis à rude épreuve l’apparat organisationnel allemand, et surtout, le processus d’intégration des réfugiés reste jusqu’à présent insatisfaisant, sans compter l’incapacité d’expulser réellement ceux qui n’ont pas obtenu le droit d’asile.
Depuis le soir de l’attentat, les partis populistes et les extrêmes droites d’Europe ont exploité le choc général pour condamner la politique migratoire d’accueil du gouvernement allemand, et pour essayer ainsi de gagner des soutiens dans leurs pays respectifs. Sans même attendre plus d’informations sur le profil du terroriste, des responsables de l’Alternative für Deutschland (AfD, populiste), du Front National (FN), du UK Independence Party (UKIP), et du Partij voor de Vrijheid (Parti pour la liberté, PVV, droite néerlandaise radicale), ont diffusé sur leurs comptes Twitter des attaques acharnées contre Mme Merkel: elle serait le véritable bourreau de la tragédie, celle qui aurait consenti à des milliers de terroristes déguisés en réfugiés d’être accueillis en Allemagne. Marcus Pretzell (AfD) a par exemple affirmé: «Ce sont les morts de Merkel!». Marion M. Le Pen (FN) a accusé: «Elle est responsable», tandis que, selon le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, la chancelière allemande aurait «livré des bombes à retardement à son pays». Nigel Farage, (UKIP) dénonce avec arrogance que l’attentat de Berlin ne le surprend pas, car «Des événements comme ceux-là seront l'héritage de Merkel». Le dénigrement le plus créatif est celui de Geert Wilders (chef du PVV), qui a publié sur son profil Twitter le montage d’une photo d’Angela Merkel, les mains couvertes de sang.
Les partis populistes de droite radicale ont entamé une stratégie de propagande en vue des prochaines élections. En Allemagne, la chancelière mènera la CDU aux élections législatives de l’automne 2017. L’AfD, déjà en progression dans les intentions de vote, a voulu exploiter cet attentat comme prétexte presque parfait pour affaiblir le candidat le plus fort, Mme Merkel – mais des vérifications ont montré que la demande d’asile du terroriste avait été rejetée par l’Allemagne. En France se profilent également les élections présidentielles au printemps 2017, ainsi le FN essaye de manipuler la peur des électeurs afin de gagner leur soutien. La même stratégie de propagande est pratiquée par le PVV de Geert Wilders, en vue des prochaines élections législatives néerlandaises en mars 2017.
Alors que son pays est frappé par un attentat terroriste et que ses opposants politiques la bombardent d’accusations ad personam, Mme Merkel doit choisir quelle attitude adopter: céder aux accusations et aller vers une politique migratoire plus fermée, ou rester cohérente avec sa politique d’accueil? A sa première apparition publique après l’attentat, Mme Merkel manifestait son calme habituel. Puisque l’identité du terroriste n’était pas encore connue, elle a prudemment déclaré que «cela serait pour nous particulièrement difficile à supporter s'il se confirmait que cet acte a été commis par une personne qui a demandé à l'Allemagne protection et asile». Par la suite, elle n’a pas annoncé de mesures drastiques, mais elle a promis des éclaircissements sur les faits et des punitions pour les coupables. Enfin, elle a encouragé les résidents en Allemagne à garder la force de vivre librement, ouvertement et en cohésion. Ce message conciliant, invitant au calme et à la sérénité, correspond au style traditionnel de la chancelière, celui qui lui a permis de gagner la confiance des électeurs depuis trois mandats consécutifs. Pour savoir si cela lui suffira pour être réélue, ou si les populistes auront gagné leur offensive contre la forteresse de la chancelière, il faudra attendre l’automne 2017.
Sources :
Euronews.fr, 21.12.2016, http://fr.euronews.com/2016/12/21/attentat-de-berlin-l-extreme-droite-s-en-prend-a-angela-merkel
Die Zeit, 20.12.2016, http://www.zeit.de/politik/deutschland/2016-12/angela-merkel-bundespolitik-reaktionen-anschlag-berlin-weihnachtsmarkt
Der Spiegel, 20.12.2016, http://www.spiegel.de/politik/deutschland/anschlag-in-berlin-ein-albtraum-auch-fuer-angela-merkel-a-1126822.html
Le Huffington Post, 20.12.2016, http://www.huffingtonpost.fr/2016/12/20/attentat-de-berlin-angela-merkel-est-responsable-accuse-lex/
Franceinfo, 20.12.2016, http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/elections-en-allemagne/allemagne-angela-merkel-va-briguer-un-nouveau-mandat-de-chanceliere_1930163.html
Arte, 01.09.2016, http://info.arte.tv/fr/refugies-que-reste-t-il-de-lelan-de-generosite-allemand