Ces gouvernements donnent à voir une Europe rétrograde, à rebours des valeurs fondatrices de l'Union européenne. Cependant, nous ne devons pas oublier le fait que ces pays d'Europe centrale se sont construits sur des traumatismes historiques. Ainsi, sur la question de l'accueil des réfugiés, les dirigeants brandissent la nécessité de protéger la religion et la langue. En somme, tout ce qui fait l'unité du pays, afin d’éviter de retomber dans des divisions qui ont pu conduire dans le passé à la disparition de l'identité nationale, voire à l'éclatement de la nation.

Comme le dit Ivan Krastev, chercheur bulgare actuellement en poste à l'Institut des sciences de l'homme à Vienne, « Les sociétés d'Europe centrale et orientale sont beaucoup plus homogènes qu'à l'ouest, on y observe une peur de perdre sa langue, sa culture face à l'arrivée éventuelle de migrants. » C’est ainsi que l’on voit utiliser à de nombreuse reprises le qualificatif de « populiste » pour désigner ces gouvernements. Par « populiste » on entend ici un style démagogique et un ton de tribun populaire ou, dans le contexte européen, un agenda ethnocentriste supposé séduire le « peuple » en jouant sur ses « peurs » de « l’immigration massive ». Il s’agit là d’une conception ethnique de la démocratie, où les minorités n'ont pas voix au chapitre. Loin de se calquer sur un schéma dictatorial, le PiS en Pologne continue d'endosser les valeurs démocratiques. Mais il les tord pour aller dans le sens de cette « démocratie illibérale » promue par Orban. D'autant que le discours d'Orban, n'a pas seulement vocation à défendre l'identité hongroise, il porte également une interprétation de ce qu'est l'Europe. « Orban se voit comme le protecteur d'une identité européenne supposée blanche et chrétienne. » Dans le cas de la Slovaquie, où l'exécutif est dirigé par le parti social-démocrate (SMER), la tendance est similaire, bien que moins idéologique. « Fico est une combinaison de nationalisme ethnique et de valeurs conservatrices », estime l'analyste slovaque Daniel Kral. « Mais c'est avant tout un homme de pouvoir, un parfait populiste, très doué pour flatter ses électeurs. » L'idée dominante est celle d'un pouvoir fort, où le principe de l'identité nationale prévaut sur tout le reste. De fait, en Hongrie, en Pologne et en Croatie, les politiques mises en œuvre se ressemblent, notamment dans la tentative de mettre au pas les médias.

Il faut aussi se rappeler que les sociétés d'Europe centrale, sont gouvernées par des valeurs plus traditionnelles qu'à l'ouest. Comme nous le montre la législation sur l'avortement (extrêmement restrictive en Pologne) et celle sur les couples homosexuels par exemple. Le discours traditionaliste fait donc partie de la logique de droite. Mais il semblerait que cela ne soit qu’une différence de façade avec les droites occidentales.

Si le Front national en France s'ouvre aujourd'hui aux électeurs homosexuels, c'est parce qu'il essaie de s'immiscer dans la société qui l'entoure. En réalité, il poursuit le même objectif que les droites dures d'Europe centrale : s'opposer aux cultures musulmanes. Au-delà des différences historiques avec les systèmes politiques occidentaux, on retrouve à l'est les mêmes tendances qu'ailleurs sur le continent. La crise idéologique de la social-démocratie est européenne. En ce sens, il n’y a pas de différence fondamentale entre le PiS polonais et le FN français. Tous deux ont adopté un discours social et sont en capacité de séduire un électorat parce qu'en face, il n'y a personne qui propose un changement radical. Ils parviennent en quelque sorte à résoudre l'équation entre État social et État national sur laquelle les partis traditionnels ont échoué. À ce titre, l'Europe centrale ne reflète pas une spécificité mais témoigne bien d’un climat et d’un contexte global qui s’est aussi réalisé outre Atlantique avec l’élection de Donald Trump. C'est donc bien à une crise de la solidarité européenne que le continent Européen fait face aujourd'hui.
Sources :
https://www.mediapart.fr/journal/international/231116/derriere-le-populisme-des-basculements-ultra-conservateurs?onglet=full
http://www.lemonde.fr/europe/video/2016/10/06/pologne-les-ultraconservateurs-ont-voulu-eviter-un-retour-de-baton-sur-l-avortement_5009321_3214.html
http://info.arte.tv/fr/vers-une-pologne-plus-conservatrice-en-europe