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En effet, Bruxelles reste le temple du lobbyisme mondial loin devant Washington, qui fait pourtant figure dans l’imaginaire collectif ( cf House of Cards ) de terre corrompue. Véritable forum de Davos à ciel ouvert et toute l’année, Bruxelles compte plus de 25 000 lobbyistes regroupés autour des institutions européennes. Ceux ci, par leur proximité, rencontrent les fonctionnaires européens, mais plus inquiétant encore, s’infiltrent dans le processus législatif européen. Ils s’insinuent dans l’appareil d’expert bruxellois, enchevêtrement de comités, qui se fondent sur l’avis de spécialistes pourtant à la solde des lobbies. Enfin la dernière stratégie est de « recycler » les anciens fonctionnaires européens en leur proposant des postes dans leur conseil d’administration. Ainsi, Jean Manuel Barroso, ancien Président de la Commission européenne ayant notamment négocié l’accords de libre échange avec le Canada, le CETA, a finalement retrouvé un poste dans la banque d’investissement américaine Goldman Sachs. Son homologue canadien de l’époque, Stephen Harper ne travaille aujourd’hui qu’au service de multinationales. Ces deux exemples sont symptomatiques de la proximité presque parasitaire entre le pouvoir politique et le pouvoir de l’argent.

Le lobbyisme en lui même n’est pas une figure monstrueuse fondamentalement mauvaise. Elle regroupe tous les acteurs qui seraient potentiellement influencés par les politiques européennes. De ce fait, ONG et syndicats sont présents au même titre que les entreprises ou les lobbies patronaux. Il parait même logique de convier ses différents acteurs à la table des négociations afin de parvenir à un accord qui satisfasse le plus de parties. Mais là n’est pas le problème. L’enjeu c’est le déséquilibre proportionnel entre les intérêts d’acteurs privées et celui des citoyens, né de l’inégalité de l’argent. Le système est bâti d’une façon qui donne un avantage à celui qui dépense le plus. Les actions des ONG et des associations de consommateurs ne font pas le poids face aux 1,5 Milliards d’euros investis par les multinationales chaque année. De ce débat déséquilibré découle le sentiment, justifié, pour les citoyens européens que leur voix n’est pas défendue. Ainsi le pouvoir donné par l’argent aux lobbyistes des entreprises est la cause fondamentale de l’échec de la démocratie européenne.

La bataille est lancée au sein d’une Union européenne divisée. Le Parlement est vent debout face à l’influence des lobbies, tandis que la Commission européenne refuse encore de participer à un projet de traité de l’ONU, portant sur la responsabilité des multinationales envers les violations des droits humains. Les citoyens doivent trancher le débat et faire pression pour qu’une législation encadrant fortement le lobbyisme soit mise en place. Certes, des avancées ont été accomplies lors de la révision du registre de transparence qui oblige les lobbyistes à se faire inscrire, ou aux commissaires de diffuser leurs rendez vous avec ceux ci. Néanmoins, cela est loin d’être suffisant. Les lobbyistes doivent pouvoir être punis, leurs cabinets de lobbying doivent être renvoyés à bonne distance des institutions européennes, leurs moyens financiers doivent être encadrés et les institutions européennes doivent se munir de leur propres spécialistes qui feraient carrière au sein des institutions. Mais plus encore, les citoyens européens doivent agir au sein d’un lobbyisme citoyen, usant de tous les instruments mis à leur disposition afin de faire entendre leur voix. Car la démocratie européenne n’est pas fondamentalement pervertie, elle souffre juste d’un déséquilibre dans le débat. Le combat sera difficile mais ici se trouve l’enjeu pour que l’Union européenne se recentre sur sa mission initiale: la défense du bien commun à tous les peuples européens.

Sources:

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Corporate Europe Observatory. (2017). Lobby Planet. online Available at: https://corporateeurope.org/fr/power-lobbies/2017/10/lobby-planet Accessed 15 Nov. 2017.

Commission, P. (2017). Commission, Parlement: Bruxelles doit-elle brûler les lobbyistes?. online France Inter. Available at: https://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-09-octobre-2017 Accessed 15 Nov. 2017.

Goldman Sachs. (2017). Goldman Sachs | Press Releases - José Manuel Barroso Appointed Non-Executive Chairman of Goldman Sachs International and Advisor to Goldman Sachs. online Available at: http://www.goldmansachs.com/media-relations/press-releases/archived/2016/jose-manuel-barroso-appointed.html Accessed 15 Nov. 2017.

CBC News. (2017). International law firm Dentons hires former prime minister Stephen Harper. online Available at: http://www.cbc.ca/news/politics/stephen-harper-law-firm-dentons-1.3758088 Accessed 15 Nov. 2017.

Libération.fr. (2017). La France, modèle pour le traité de l'ONU sur la responsabilité des multinationales. online Available at: http://www.liberation.fr/planete/2017/09/26/la-france-modele-pour-le-traite-de-l-onu-sur-la-responsabilite-des-multinationales_1599035 Accessed 15 Nov. 2017.

EURACTIV.fr. (2017). registre de transparence. online Available at: https://www.euractiv.fr/tag/registre-de-transparence/ Accessed 15 Nov. 2017.

The Conversation. (2017). Pour bâtir l’Europe, nous avons besoin de citoyens lobbyistes. online Available at: https://theconversation.com/pour-batir-leurope-nous-avons-besoin-de-citoyens-lobbyistes-86242 Accessed 15 Nov. 2017.