La diplomatie européenne infiltrée par des hackers
Durant trois ans, un groupe de hackers a infiltré le COREU, réseau de communication entre les vingt-huit pays membres de l’UE ainsi que les institutions (Conseil, Commission et SEAE). Selon les informations qui ont été diffusées les hackers se seraient d'abord infiltrés dans le réseau en dérobant des données et des codes d'accès à des diplomates issus du Ministère des Affaires Étrangères chypriote. Cette nouvelle a totalement désarçonné le Service Européen pour l'Action Extérieure, service dédié à la diplomatie de l'UE. En effet, le COREU était en principe un réseau très protégé. Il véhicule de 25 000 à 30 000 messages par an et concerne des sujets comme la politique étrangère et de sécurité (PESC), les conclusions des conseils tenus par les ministres des affaires étrangères, les déclarations, les démarches diplomatiques de l’UE, et bien d'autres sujets sensibles.
Dur retour sur Terre pour la cybersécurité européenne
Pour soutenir ses affirmations, le « New York Times » dit s'être appuyé sur une étude menée par Area 1, une société de cybersécurité fondée par d'anciens employés de la NSA, une agence de renseignement américaine. Area 1, qui a fourni au « New York Times » près de 1100 câbles diplomatiques volés, affirme avec certitude que les hackers seraient employés par l'Armée Populaire de Libération, soit l'armée chinoise. Encore plus que le simple vol de documents confidentiels, cette cyberattaque dévoile les failles du système de sécurité informatique de l'Union Européenne, ce que ses détracteurs ne manquerons pas de pointer du doigt. En effet, pour le « New York Times », cette fuite « met en avant la vulnérabilité d'un système de communication européen vieillissant ». Il s'agit surtout d'une mise à mal de la volonté européenne d'être leader de la cybersécurité. En effet, en 2017, l'Union Européenne affirmait vouloir devenir à l'horizon 2025 le leader mondial de la cybersécurité. A Bruxelles, certains représentants pointent du doigt un défaut de prudence des institutions, notamment face à la technologie chinoise. Le secrétariat général du Conseil européen, qui gère le système de communication piratée, a d'ailleurs indiqué de son côté qu'une enquête "approfondie" allais être menée.
La défense immédiate de l'Union Européenne
L'Union Européenne, par l'intermédiaire du SEAE, n'a pas tardé à se défendre, minimisant l'importance des documents dérobés. En effet, le cabinet de la Haute Représentante s'est justifié en disant que les informations les plus sensibles transitaient par un autre canal, bien plus sécurisé. Ainsi, si au sein de l'Union, certains font semblant de n'accorder que peu d'importance à ces courriers dérobés, personne ne peux nier que cette affaire met en évidence les lacunes dans la protection des réseaux européens. Maja Kocijancic, porte-parole de Federica Mogherini, a déclaré : « Impossible de commenter des fuites. Il est clair que tous les systèmes sont vulnérables mais nous affrontons constamment ce défi, nous améliorons nos systèmes de communication pour répondre aux menaces ».
Un risque pour la diplomatie mondiale
La diffusion de ces nombreux document est très inquiétante pour la diplomatie européenne, d'autant qu'elle concerne certains sujets cruciaux. Ces sujets évoqués par l'Union Européenne dans les câbles volés seraient par exemple la crainte de l'éventuelle relance du nucléaire iranien, les relations entre les États-Unis et la Russie, les négociations commerciale, les migrations ou les inquiétudes face à Donald Trump ou la Chine, … Le président américain semble être au centre des préoccupations européennes car de nombreux canaux concernent son élection et sa politique ou bien la sortie des États-Unis de l'Accord de Vienne. Le grand problème auquel doit faire face l'Union Europeénne est que la publication de certaines de ces discussions risque de créer des conflits. En effet, l’un des câbles mentionne notamment des discussions tenues entre des responsables de l’UE et le président chinois Xi Jinping, à Pékin, en Juillet 2018. Durant cette discussion, le dirigeant chinois compare les manœuvres d’« intimidation » de Donald Trump envers son pays à un « combat de boxe où tous les coups sont permis ». Ce genre de discussion se doivent normalement de rester secrètes et peuvent affaiblir l'Union Européenne en cas de diffusion. C'est le cas aussi pour le document où un haut responsable européen insiste sur la nécessité de traiter avec le gouvernement de Donald Trump disant qu'« il faut insister sur un pays qui est notre plus important partenaire, même lorsqu'il s'agit de s'opposer au président américain sur des sujets où l'UE n'est pas d'accord, comme le climat, la guerre commerciale ou l'accord sur le nucléaire iranien ». Des déclarations comme celles-ci sont susceptibles d'affaiblir la diplomatie européenne au sein de la géopolitique mondiale. Ainsi cette affaire est très problématique car en plus de montrer les limites de la cybersécurité européenne, elle risque de susciter des tensions entre les États.
Sources :
https://www.nytimes.com/2018/12/18/us/politics/european-diplomats-cables-hacked.html
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/20/des-hackeurs-s-infiltrent-dans-la-diplomatie-de-l-union-europeenne_5400204_3210.html
https://www.france24.com/fr/20181221-europe-hackers-diplomatie-infiltree-espionnage-chine-affaires-etrangeres-mogherini
https://www.ouest-france.fr/europe/ue/l-union-europeenne-ete-massivement-parite-par-des-hackers-selon-le-new-york-times-6139909