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L'ambassadeur de l'Union Européenne en RDC sommé de quitter le pays

Le 27 Décembre 2018, soit trois jours avant les élections présidentielles organisées en République Démocratique du Congo, le gouvernement congolais, par l'intermédiaire de son Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale, Léonard She Okitundu, a publié un communiqué dans lequel il invitait le Conseil Européen à rappeler à Bruxelles l'ambassadeur de l'Union Européenne en RDC, Bart Ouvry. Celui-ci s'est vu attribuer un délai de 48 heures pour quitter le pays. Cette décision a surpris de nombreux observateurs car si la menace d'une exclusion planait sur l'ambassadeur belge depuis un moment, personne ne pensait qu'elle deviendrais effective dans un laps de temps si proche d'un événement d'une si grande ampleur qu'une élection présidentielle. L'heure est à l'inquiétude pour de nombreux diplomates qui concèdent volontiers qu'« à deux jours du scrutin, c'est un mauvais signal ». Sur Twitter, Bart Ouvry a, lui, commenté « Vol ce soir pour Bruxelles - avec nostalgie déjà pour les excellents collègues, les amis nombreux que j'ai rencontrés dans ce beau pays. Je porte et porterai toujours le Congo et les Congolais dans mon cœur ».

Mise à mal de la volonté européenne d'encadrer ces élections démocratiques

Comme de nombreux observateurs, l'Union Européenne craignait une falsification des élections en République Démocratique du Congo, c'est pourquoi elle voulait surveiller à distance le processus électoral. Le fait qu'aujourd'hui, une semaine après les élection, la Commission Électorale Nationale Indépendante (Céni) n'ai toujours pas diffusé les résultats, n'est dans ce sens pas très rassurante. Le président de la Céni, Corneille Nangaa, a appelé au calme en expliquant que seuls 53% des bulletins de votes avaient été consultés ce qui est trop peu pour donner un résultat même approximatif. « Je ne voudrais pas vous dire que je vais annoncer mardi, pour que je revienne encore mardi pour vous dire : non, non ce n'est pas possible. Laissez la Céni travailler ! Nous faisons le nécessaire pour que le traitement se fasse le plus rapidement possible », a-il affirmé. Cependant, cela n'empêche pas de nombreuses personnes à commencer à douter de cette institution. L'exclusion de Bart Ouvry du pays renforce cette conviction que la coalition au pouvoir tente de s'émanciper de l'ingérence européenne sur les élections pour être seul garant du bon fonctionnement des élections. Les jours précédant l'exclusion, nous pouvions d'ailleurs observer un regain des tensions avec un communiqué virulent de la majorité présidentielle qui accusait l'Union Européenne d'avoir « infiltré » le processus électoral en finançant un partie des observateurs nationaux, cela étant jugé par le pouvoir comme « machiavélique » et destinée à « provoquer la mort de la nation congolaise ».

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De fortes tensions entre l'Union Européenne et la République Démocratique du Congo

Les tensions entre la République Démocratique du Congo et l'Union Européennes ne sont pas nouvelles. Le 10 Décembre, l'Union Européenne avait d'ailleurs prolongé les sanctions qui touchent depuis Décembre 2016 quatorze personnalités congolaises proches du l'actuel président Joseph Kabila, dont Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat de la coalition au pouvoir pour cette élection de 2019. Ces sanctions visant les quatorze officiels pour « graves violations des droits de l'homme et entraves au processus électoral » sont depuis sans cesse condamnées par le gouvernement congolais. Le pouvoir central de Kinshasa conteste la légalité et le fondement même des sanctions, pour lui celles-ci résultent d'une « ingérence politique inacceptable dans le processus électoral ». Beaucoup d'observateurs pensaient donc que Kinshasa se servirait de menaces contre l'Union Européenne pour empêcher cette dernière de s'immiscer dans le processus électoral mais force est de constater que la RDC a mis ses menaces à exécution plus tôt que prévu.

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Réaction automatique du SEAE et de l'opposition congolaise

Dès son annonce, cette décision a été jugée « totalement injustifiée » par les porte-parole de l'Union Européenne. La Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini a elle qualifié d'« arbitraire » et de « contre-productive » la décision de Kinshasa. « Le gouvernement de la République Démocratique du Congo a sommé l’ambassadeur représentant l’Union européenne de quitter le pays. Rien ne saurait justifier cet acte arbitraire », a-t-elle déclaré. Elle a poursuivi en rappelant que « L’UE est un partenaire de premier plan de la RDC et de sa population en y maintenant une coopération importante. A la veille d’élections cruciales pour le pays, cette décision est totalement contre-productive, nuisant aux intérêts de la population ». L'Union Européenne est soutenue par sept organisations congolaises des droits de l'homme dans la dénonciation de cette décision. Georges Kapiamba, président de l'ACAJ, l’Association congolaise pour l'accès à la justice, a, lui, estimé que « le gouvernement actuel de RDC n'a plus de légitimité pour renvoyer l'ambassadeur européen ». Cependant, il n'est pas impossible de voir l'Union Européenne reculer sur les sanctions prises le 10 Décembre 2018. L'Union Européenne a d'ailleurs tenu à rappeler que « ces mesures sont liées aux violations des droits de l’homme et aux obstacles créés à une sortie pacifique de la crise en RDC », ajoutant que ces sanctions « seront à nouveau examinées compte tenu des élections en RDC, en les adaptant éventuellement en conséquence ». Ainsi, il est certain que, d'autant plus avec ces troubles géopolitiques, le résultat des élections présidentielles de la RDC, qui ne serait tarder, sera suivi avec grand intérêt tout autour du globe.

Sources :

http://www.rfi.fr/afrique/20181227-rdc-48-heures-union-europeenne-rappeler-ambassadeur

https://eeas.europa.eu/delegations/canada/56173/d%C3%A9claration-du-porte-parole-sur-le-processus-%C3%A9lectoral-en-r%C3%A9publique-d%C3%A9mocratique-du-congo_fr

https://www.jeuneafrique.com/696614/politique/rdc-le-renvoi-de-lambassadeur-de-lue-est-un-acte-arbitraire-affirme-federica-mogherini/

http://www.rfi.fr/afrique/20181211-sanctions-officiels-congolais-kinshasa-ingerence-ue

https://www.rtbf.be/info/monde/detail_l-ambassadeur-de-l-ue-en-rdc-rentre-ce-samedi-soir-vers-bruxelles?id=10107893

http://www.rfi.fr/afrique/20190106-rdc-elections-attente-resultas-reunion-pleniere-corneille-nangaa