Le contexte commercial de l'UE est marqué par un précédent douloureux : les panneaux solaires chinois. Dans les années 2010, l'importation massive de panneaux solaires subventionnés de Chine a eu des conséquences dévastatrices pour les fabricants européens, entraînant une chute drastique de leur production alors que plus de 80 % de la production mondiale de panneaux solaires est désormais chinoise.
De ce fait, la Commission européenne est déterminée à éviter une répétition avec un autre produit clé de la transition énergétique : les véhicules électriques. Alors que l'UE s'engage à mettre fin à la vente des voitures thermiques neuves d'ici 2035, le marché européen attire de plus en plus les capacités de production croissantes de la Chine, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives sur les emplois et l'industrie européenne.
L'UE a réagi avec fermeté : Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les subventions octroyées aux constructeurs automobiles électriques en Chine. Cette initiative survient dans un contexte où l'Europe tente de consolider sa position dans le domaine des véhicules électriques. La pression croissante pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone et la transition vers une mobilité plus propre font des voitures électriques un élément clé de cette stratégie. Cependant, l'inondation potentielle du marché européen par des voitures électriques chinoises moins chères pose un défi majeur pour les constructeurs automobiles européens.
L'UE adopte donc une approche proactive pour protéger son marché et ses industries, tirant les leçons du passé. Cette enquête vise à examiner de près les pratiques commerciales chinoises et à évaluer si elles créent un désavantage concurrentiel pour les acteurs européens.
Les enquêtes antisubventions sont déclenchées lorsqu'un pays étranger est suspecté de subventionner une entreprise pour la production d'un certain produit, causant ainsi un "préjudice" à l'industrie européenne. Cette générosité étatique permet aux entreprises bénéficiaires de réduire considérablement leurs coûts d'assemblage, leur offrant ainsi la possibilité de vendre leurs produits à des prix inférieurs.
Ce mécanisme de subventionnement crée un désavantage substantiel pour les entreprises européennes concurrentes, qui ne bénéficient pas du même niveau de soutien de la part de leurs gouvernements nationaux. Elles se retrouvent confrontées à un dilemme délicat : vendre leurs produits à un prix plus bas, au risque de subir des pertes financières, ou les vendre à un prix plus élevé, au risque de perdre des clients face à la concurrence chinoise.
Cette dynamique semble se manifester dans le secteur des voitures électriques chinoises. Depuis longtemps, les pays occidentaux accusent la Chine d'injecter d'importantes sommes d'argent public dans son industrie nationale, une aide difficile à retracer, prenant diverses formes telles que des prêts préférentiels, une fiscalité avantageuse et des transferts de fonds directs. Les subventions chinoises visent à garantir que les entreprises nationales respectent les objectifs définis dans leurs plans économiques quinquennaux, où les "véhicules à énergie nouvelle" sont explicitement mentionnés comme un pilier essentiel du système industriel chinois.
En réaction à l'annonce de l'enquête de la Commission européenne, les autorités chinoises ont rapidement exprimé leur mécontentement, qualifiant cette initiative d'acte de "protectionnisme pur et simple". Selon des sources de Reuters, le ministère chinois du Commerce a vivement critiqué cette décision, soulignant ses préoccupations quant aux conséquences de cette enquête sur l'industrie automobile mondiale et la chaîne d'approvisionnement, y compris celles de l'Union européenne.
Les déclarations officielles émises par les autorités chinoises ont averti que cette enquête aurait des répercussions significatives sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l'UE. Elles ont souligné que cette démarche, perçue comme une ingérence dans les pratiques commerciales chinoises, pourrait entraîner des perturbations et des distorsions sérieuses, non seulement sur le marché automobile, mais également sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Pourtant, les actions de la Commission européenne s'inscrivent dans un contexte où la réalité des subventions gouvernementales à l'échelle mondiale révèle d’une pratique généralisée, chaque pays soutenant divers secteurs industriels pour renforcer leur compétitivité. Dans cet esprit, l'Europe elle-même n'est pas étrangère à cette approche, ayant subventionné des entreprises emblématiques telles que Airbus, Ariane et l'énergie nucléaire, entre autres. Les États-Unis, de leur côté, ont largement subventionné des secteurs aussi variés que l'agriculture, l'énergie, le logement, les constructeurs automobiles, Boeing et l'ensemble du complexe militaire. Des outils tels que l'IRA et le Chip Act ont également été utilisés comme des incitations financières visant à attirer des entreprises sur le sol américain. Cette situation expose clairement la dichotomie entre la politique et les intérêts économiques, illustrant comment les enquêtes gouvernementales peuvent générer des tensions entre les acteurs politiques et les acteurs économiques. Les constructeurs automobiles européens, particulièrement dépendants des exportations vers la Chine, se trouvent au cœur de cette problématique complexe. La perspective d'une réponse sous forme d'augmentation des droits de douane soulève des préoccupations et pourrait potentiellement exposer les constructeurs automobiles allemands, leaders du marché européen, à des tarifs douaniers similaires, créant ainsi un dilemme pour les dirigeants européens entre la nécessité de protéger leur industrie et l'impact sur les relations commerciales bilatérales.
Sources :
La Commission ouvre une enquête sur les voitures électriques subventionnées en provenance de Chine, Comission européen, 4 octobre 2023, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_23_4752
L'UE va ouvrir une enquête antisubventions sur les voitures électriques fabriquées en Chine, Euronews, 13 septembre 2023, https://fr.euronews.com/my-europe/2023/09/13/lue-va-ouvrir-une-enquete-antisubventions-sur-les-voitures-electriques-fabriquees-en-chine
Discours sur l’état de l’Union : Ursula von der Leyen s’attaque aux pratiques commerciales déloyales de la Chine, Euractive, 14 septembre 2023, https://www.euractiv.fr/section/politique/news/discours-sur-letat-de-lunion-von-der-leyen-sattaque-aux-pratiques-commerciales-deloyales-de-la-chine/
Est-ce la réponse de l’Europe aux véhicules électriques chinois abordables ?, L'Observatoire de l'Europe, 17 octobre 2023, https://www.observatoiredeleurope.com/est-ce-la-reponse-de-leurope-aux-vehicules-electriques-chinois-abordables_a9329.html
China denounces Europe probe of EVs as 'naked protectionist' act, Reuters, 14 septembre 2023, https://www.reuters.com/business/autos-transportation/china-warns-europe-its-probe-chinese-evs-will-hurt-ties-2023-09-14/