Hongrie : le dilemme l’UE face à la dérive de Budapest

En novembre 2025, la commission LIBE du Parlement européen a une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme sur la situation de l'État de droit en Hongrie. Le constat dressé dans le second rapport intermédiaire n’est pas nouveau : concentration du pouvoir, pressions sur le système judiciaire, contrôle des médias, corruption et détournement des fonds européens. Mais cette fois, le ton traduit l'exaspération d'une institution qui se sent impuissante face à la dérive autoritaire du Premier ministre Viktor Orbán, qui dure depuis son retour au pouvoir en 2010.

En novembre 2025, la commission LIBE du Parlement européen a une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme sur la situation de l'État de droit en Hongrie. Le constat dressé dans le second rapport intermédiaire n’est pas nouveau : concentration du pouvoir, pressions sur le système judiciaire, contrôle des médias, corruption et détournement des fonds européens. Mais cette fois, le ton traduit l'exaspération d'une institution qui se sent impuissante face à la dérive autoritaire du Premier ministre Viktor Orbán, qui dure depuis son retour au pouvoir en 2010.

Le Parlement a d'ailleurs voté pour demander l'activation de l'Article 7(1) du Traité sur l'Union européenne (TUE), la procédure la plus sévère, et l'utilisation des nouveaux leviers budgétaires (le mécanisme de conditionnalité) pour protéger les valeurs fondamentales de l’Union.

Le plus frappant, c'est le décalage dans les réactions européennes : - Le Parlement : en première ligne, il pousse à la confrontation et réclame des mesures fortes, alertant sur le fait que l'inaction du Conseil depuis 2018 a permis l'aggravation de la situation. - La Commission : avançant prudemment, elle s’en tient aux procédures légales, notamment en matière de gel des fonds. - Le Conseil : il reste paralysé par ses divisions et la menace d'un veto par d'autres États membres (notamment la Pologne) qui empêche toute application effective de l'Article 7.

C'est ce fossé institutionnel dont Viktor Orbán sait tirer profit. Le Premier ministre nationaliste utilise cette paralysie européenne pour continuer à imposer ses réformes controversées et consolider son pouvoir, tout en s'assurant de maintenir le flux des fonds européens, vitaux pour son économie.

Par ailleurs, un scandale d'espionnage révélé en octobre 2025, ajoute une autre dimension à cette crise de confiance.

Des enquêtes menées par des médias européens ont révélé que le gouvernement Orbán aurait déployé, entre 2012 et 2018, un réseau d'agents des renseignements hongrois à Bruxelles. Ces « faux diplomates » au sein de la représentation permanente de la Hongrie auprès de l'UE auraient été chargés d'espionner et d'influencer les fonctionnaires européens hongrois.

L'objectif était clair : provoquer des fuites d'informations sensibles et orienter les rapports de la Commission pour qu'ils reflètent la « vision du monde du gouvernement Orbán ». Les méthodes employées, assimilées à celles des services secrets soviétiques (KGB), consistaient à recruter des « collaborateurs secrets » contre rémunération, offrant aux agents une plus grande protection et liberté sous un angle diplomatique.

Cette affaire est d'autant plus pertinente puisque l'actuel commissaire hongrois, Olivér Várhelyi, dirigeait la représentation permanente de la Hongrie à l'époque des faits. Des sources affirment qu'il savait que des agents secrets étaient présents dans son corps diplomatique. Un ancien eurodéputé hongrois a déclaré que cette affaire prouve que la Hongrie considère désormais la Commission et le Parlement comme des « ennemis ».

Cela amène à une question qui structure le débat européen : que se passe-t-il quand un système fondé sur des valeurs communes n'arrive plus à corriger les écarts d'un pays membre ? En effet, la crise de l'État de droit en Hongrie expose surtout la fragilité des outils de l’UE face à un État qui défie ses principes fondateurs de l'intérieur.

L'inaction du Conseil et le double jeu présumé de certains officiels hongrois à Bruxelles mettent en lumière la nécessité pour l'UE de revoir ses mécanismes de défense. Il n'est pas seulement question de l'avenir de la Hongrie, mais de la cohérence et la crédibilité de l'Union. Cette réflexion pourrait marquer les débats publics à l'approche des élections européennes de 2029.

Sources : - Toute l’Europe, « La Hongrie au cœur d'un scandale d'espionnage à Bruxelles », - https://www.touteleurope.eu/institutions/la-hongrie-au-coeur-d-un-scandale-d-espionnage-a-bruxelles/, 10 oct. 2025 - Euronews, « EPP blocks Parliament’s inquiry committee over spying allegations against Hungary's secret services », https://www.euronews.com/my-europe/2025/11/11/epp-blocks-parliaments-inquiry-committee-over-spying-allegations-against-hungarys-secret-s, 11 nov. 2025 - Parlement européen, https://www.europarl.europa.eu/news/fr/agenda/plenary-news/2025-11-24/6/crise-persistante-de-l-etat-de-droit-en-hongrie, 20 nov. 2025 - LIBE, Proposal for a Council decision determining, pursuant to Article 7(1) of the Treaty on European Union, the existence of a clear risk of a serious breach by Hungary of the values on which the Union is founded, 05 nov. 2025 - https://www.eunews.it/en/2025/04/17/meps-visiting-budapest-urge-hungary-to-return-to-democracy/

Images : - Orbán, Viktor, Hungarian prime minister, par Simone De La Feld - ZARZALEJOS, Javier (EPP, ES), par Laurie DIEFFEMBACQ - https://www.touteleurope.eu/wp-content/uploads/2025/10/RDP-espionnage-Hongrie-commissaire.png