Violences faites aux femmes : où en est-on de la Convention d’Istanbul ?

Le 25 novembre 2025, de nombreux manifestants ont défilé à Istanbul à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, afin de réclamer une meilleure protection et le retour de la Turquie dans la Convention d’Istanbul. Pays à l’origine de sa création en 2011, la Turquie a été le premier État à s’en retirer, en juillet 2021, suivie récemment par la Lettonie, le 30 octobre 2025. Dès lors, faut-il s’inquiéter de ce mouvement de recul des droits des femmes ? Ce traité conserve-t-il toute sa légitimité, alors qu’il fait aujourd’hui l’objet d’une campagne hostile en Europe ?

Qu’est-ce que la Convention d’Istanbul ?

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, plus connue sous le nom de « Convention d’Istanbul », est le premier traité paneuropéen à établir des normes juridiques contraignantes pour combattre les violences faites aux femmes, la violence domestique et les discriminations fondées sur le genre. Entrée en vigueur en 2014 au sein du Conseil de l’Europe et ratifiée par 22 Etats membres de l’Union européenne en 2023, elle repose sur quatre piliers : ''* « Prévenir les violences faites aux femmes »,

  • « Protéger les victimes »,
  • « Poursuivre les auteurs »,
  • « Promouvoir l’égalité entre les genres ».''

Ce texte fondateur, désormais ratifié par 39 pays, impose aux États signataires un cadre juridique strict pour éradiquer les violences sexistes. Il exige des Etats de déployer des politiques publiques, combinant prévention, protection des victimes, répression des auteurs et accès à des services d’accompagnement spécialisés. Parmi ses mesures clés figurent l’obligation de mener des campagnes de sensibilisation, la collecte de données fiables sur les violences, la criminalisation explicite des actes de violence physique, sexuelle ou psychologique (viol, harcèlement, mutilations génitales, mariages forcés, etc.). À titre d’exemple, la France a récemment révisé sa définition pénale du viol et des agressions sexuelles pour se conformer à ces exigences. Pour ses défenseurs, « cette Convention symbolise un engagement fort en faveur des droits des femmes et de l’égalité. La remettre en cause reviendrait à saper les progrès accomplis et à reculer sur ces enjeux ».

Un traité sous attaque Pourtant, la Convention d’Istanbul est aujourd’hui menacée par un conservatisme croissant. Selon Amnesty International, « ces dernières années, des groupes d’intérêt et des États ont instrumentalisé ce texte, diffusant des désinformations pour diaboliser l’égalité de genre et les droits des femmes et des personnes LGBTI+ ». Bien que 45 pays du Conseil de l’Europe l’aient signée, plusieurs refusent toujours de la ratifier. La Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque n’ont pas franchi le pas, tandis qu’en Bulgarie, la Cour constitutionnelle l’a déclarée inconstitutionnelle. Plus récemment, le 30 octobre 2025, le Parlement letton a voté à 55 voix contre 34 le retrait de son pays, faisant de la Lettonie le premier État membre de l’UE à se désengager. Le président letton a cependant demandé un réexamen de cette décision. La Turquie, quant à elle, avait officiellement quitté la Convention en mars 2021, par décret présidentiel. Les autorités turques justifiaient alors ce retrait en accusant le traité de « normaliser l’homosexualité » et d’être « incompatible avec les valeurs familiales et sociales » du pays Les opposants à ce traité, souvent issus de partis conservateurs, critiquent l’idéologie du genre; qu’ils estiment imposée par l’UE et qui serait incompatible avec les « valeurs traditionnelles ». Ces réactions montrent que les États peuvent résister aux exigences du Conseil de l’Europe en matière de droits des femmes et qu’il est encore possible de revenir en arrière sur la protection des femmes.

Des conséquences dramatiques Ces positions conservatrices ont des répercussions concrètes et graves pour les femmes. En Turquie, le retrait de la Convention coïncide avec une explosion des féminicides : 48 femmes ont été tuées en octobre 2024. Le président Erdogan a reconnu, dans un rare aveu, que « la violence contre les femmes a atteint des niveaux alarmants ». Ces chiffres illustrent une réalité cruelle : rejeter la Convention d’Istanbul n’est pas qu’un choix politique, mais un renoncement sociétal à protéger les femmes contre la violence patriarcale. En 2025, la Convention d’Istanbul reste un rempart essentiel contre les violences faites aux femmes. Pourtant, son avenir est menacé par un retour en arrière politique qui pourrait coûter cher aux femmes européennes.

Sources: https://www.amnesty.fr/focus/pourquoi-la-convention-distanbul-est-essentielle-pour-les-femmes https://www.vie-publique.fr/loi/297985-loi-consentement-definition-penale-du-viol-6-novembre- 2025 https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/about-the-convention https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention https://conseil-europe.delegfrance.org/Convention-d-Istanbul-Engages-pour-proteger-les-droits-des- femmes-sans-retour https://www.touteleurope.eu/societe/carte-la-ratification-dans-l-union-europeenne-de-la- convention-d-istanbul-contre-les-violences-faites-aux-femmes/ https://rm.coe.int/1680084840 https://fr.euronews.com/video/2025/11/25/istanbul-manifestation-pour-que-la-turquie-rejoigne-le- traite-contre-la-violence-faite-aux