Le Pacte vert européen : un retour en arrière ?

Le 16 décembre 2025 marque une date symbolique du recul européen en matière climatique. En effet, le Parlement européen a adopté le paquet Omnibus I, affaiblissant considérablement deux piliers du Green Deal : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D) et celle sur le reporting extra-financier (CSRD). Parallèlement, l'UE abandonnait l'obligation pour les constructeurs automobiles de passer au tout-électrique en 2035. Ces décisions marquent un tournant majeur.
En décembre 2019, quand la Commission dévoilait son Green Deal, l'Europe voulait montrer l'exemple en matière de transition écologique. L'objectif était la neutralité carbone en 2050, avec une réduction de 55% des émissions dès 2030. Six ans plus tard, le bilan interroge. Entre contraintes économiques, résistances politiques et contradictions internes, le Pacte vert peine à se concrétiser.

Le conflit entre ambitions climatiques et réalités économiques

La transition énergétique européenne exige des investissements massifs, estimés à plusieurs centaines de milliards d'euros par an. Dans un contexte marqué par l'inflation et le ralentissement économique, la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique est de plus en plus délaissé par les gouvernements. L'Allemagne illustre bien cette tension. Pionnière de la transition énergétique, elle a dû rouvrir des centrales à charbon pendant la crise énergétique et repousser l'arrêt de certaines subventions aux énergies fossiles. La nécessité économique a pris le pas sur la cohérence environnementale, montrant l'écart croissant entre les discours et la réalité.

L'influence des lobbys sur les décisions européennes

À Bruxelles, les groupes d'intérêt disposent de moyens considérables pour influencer les décisions. Agriculture intensive, industrie chimique, secteur automobile : ces acteurs ont mobilisé leurs ressources pour défendre leurs intérêts. Les manifestations d'agriculteurs à travers le continent ont poussé la Commission à revoir ses ambitions environnementales. Le règlement sur les pesticides (SUR), qui prévoyait une réduction de 50% d'ici 2030, a été complètement abandonné début 2024. Les propositions sur la restauration des terres agricoles ont perdu leurs obligations contraignantes, et les exigences de jachère ont été assouplies. Plus récemment, c'est le secteur automobile qui a obtenu gain de cause. Après des mois de pressions, l'UE a accepté une dérogation permettant 10% de véhicules thermiques ou hybrides neufs après 2035, loin de l'objectif initial de 100% électrique. L'Allemagne, qui défendait ses constructeurs nationaux, a joué un rôle clé dans ce recul.

Le manque de coordination entre pays européens

Par ailleurs, le fonctionnement institutionnel européen complique l'action collective. L'unanimité requise pour certaines décisions stratégiques offre un droit de veto aux États les moins motivés. La Pologne et la Hongrie qui sont dépendantes du charbon, bloquent régulièrement ces mesures contraignantes. Ainsi, chaque État privilégie ses intérêts nationaux, générant un patchwork de politiques au lieu d'une stratégie européenne cohérente. Cette fragmentation érode la crédibilité de l'UE sur la scène internationale. Il semble dès lors difficile prétendre à un quelconque leadership climatique quand l'harmonisation interne fait défaut.

Le Pacte vert : réel avenir ou greenwashing ?

L'Union européenne maîtrise la communication institutionnelle : sommets, rapports, déclarations ambitieuses l'agenda médiatique donne l'impression d'une action constante. Pourtant, les reculs s'accumulent dans tous les secteurs. L'Europe est passée d'une logique de « régulation offensive » (2019-2022) à une logique de « gestion des crises », où la sécurité économique et la paix sociale sont désormais prioritaires sur l'accélération de la transition climatique. Le décalage entre la communication et les réalisations concrètes s'accentue de plus ne plus. Cependant, face à l’urgence climatique, l’UE n’a plus le temps d’attendre et de revenir sans cesse en arrière. L’Europe doit s'imposer comme leader de la transition écologique et en faire un atout face aux grandes puissances de plus en plus climatosceptiques. Cet engagement représente à la fois un impératif moral pour garantir un avenir aux générations futures et un levier de puissance sur la scène internationale. En assumant pleinement ses ambitions climatiques, l'UE pourrait transformer une contrainte environnementale en avantage compétitif. À l'inverse, multiplier les reculs affaiblirait durablement l'Europe sur le plan économique et géopolitique, un risque qu'elle ne peut se permettre dans le contexte international actuel.

Sources :

  • Dupin, C. (2025, 16 décembre). Pacte vert : Bruxelles passe à la vitesse supérieure pour alléger les règles environnementales. Les Échos.
  • Carassou, L. (2025, 16 décembre). À Bruxelles, la Commission européenne saborde son Pacte vert point par point. Libération.
  • Martin, T. (2025, octobre). Comment la droite européenne anéantit le Pacte vert à bas bruit. Politis.
  • (2025). Fin des voitures à moteur thermique d’ici 2035 : en proposant des flexibilités, l’UE offre un coup de pouce à l’industrie, mais renonce-t-elle au Pacte vert ? Toute l’Europe.
  • Commission européenne. (s. d.). Green Deal : Plan industriel. Commission européenne.''