Stérilisation forcée des femmes handicapées : une réalité encore tabou

Il me semblait important, bien que le sujet soit peu documenté et méconnu, d’écrire à propos de la stérilisation forcée des femmes handicapées en Europe. J’ai pris connaissance de cette pratique via un article consulté lors de ma veille. Le site, ModernGhana, ne semblait pourtant aucunement lié à l’Europe ou encore à mon sujet de veille. Pourtant, c’est son titre “Forced Sterilizations On Women With Disabilities”, accompagné d’une vidéo de la Deutsche Welle évoquant le sujet, qui m’a marqué. Je me suis interrogé sur la possibilité d’une telle pratique dans des pays prônant les droits de l’Homme, et je suis certain de ne pas être le seul. C’est pourquoi j’ai voulu écrire cette entrée de blog.


Nous sommes en 2025, nous sommes en Europe, et la stérilisation forcée est toujours tolérée dans une douzaine de pays de l’Union européenne. Et dans trois d’entre eux (Portugal, République Tchèque et Hongrie), la stérilisation est autorisée sur des mineurs. Le phénomène s’applique aux personnes handicapées placées sous tutelle ou sous régime de décision substituée, et plus particulièrement aux femmes. Les hommes, en revanche, sont très largement épargnés de cette pratique. Plusieurs facteurs expliquent cette différence. D’abord, la maternité est plus visible, plus contrôlée, plus attendue socialement que la paternité, qui reste moins centrale et moins surveillée. Ensuite, le paternalisme médical et juridique joue un rôle majeur dans le contrôle du corps des femmes handicapées. Enfin, retirer la fertilité d’un homme est perçu comme une punition, une mutilation, tandis que retirer celle d’une femme est encore trop souvent présenté comme une mesure protectrice, prétendument prise dans son intérêt.

Pour beaucoup de femmes stérilisées, la nouvelle arrive bien après l’opération. Pour Véronique, qui témoigne dans la vidéo produite par Arte trouvable dans les sources, son voyage à l'hôpital était, d’après ses parents, “pour une tâche de naissance”. Mais c’est plus tard, par une cicatrice sur le ventre, qu’elle a compris ce qui lui était arrivé. La plupart des victimes se retrouvent confrontées au fait accompli, sans possibilité de revenir en arrière.

Pourtant, la stérilisation forcée viole la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui stipule : “Persons with disabilities, including children, retain their fertility on an equal basis with others”. Cette violation est encore plus grave dans les trois pays où elle est autorisée chez les mineurs. Ainsi que la Convention d’Istanbul (bien qu’il n’y ait pas de mention du handicap dans celle-ci) : “Parties shall take the necessary legislative or other measures to ensure that the following intentional conducts are criminalised b) performing surgery which has the purpose or effect of terminating a woman’s capacity to naturally reproduce without her prior and informed consent or understanding of the procedure”. La stérilisation forcée est clairement incluse dans ce cadre.

La situation, avec le temps, s’améliore pour les femmes handicapées. Malte, en 2024, et l’Espagne, en 2020, ont décidé d'abroger leurs lois autorisant la stérilisation forcée. Concernant l’Allemagne, en 2020, des habitats inclusifs ont été ouverts pour les parents handicapés. Ces bâtiments permettent une aide constante aux parents puisqu’ils sont accompagnés durant la semaine d’une équipe d’assistante sociale, d’un pédagogue et d’une éducatrice. Pour le week-end, une ligne téléphonique reste ouverte en cas de problème. Ces dispositifs sont considérés comme des “aides à la parentalité”. Cependant, l’évolution reste lente et les dégâts sont irréversibles. Par ailleurs, l'abrogation ne rendra pas à ces femmes leur capacité d’enfanter. De plus, aucune étude officielle n’a jamais été conduite ni en Belgique (avant l’interdiction) ni au Portugal, en d’autres termes le nombre exact de stérilisations n’est pas connu. Au-delà du simple nombre, le manque d’étude officielle invisibilise la pratique pourtant bien réelle et encore en cours.

La France, bien que pays ayant interdit la pratique, est loin de tout reproche. Comme la Belgique et la Hongrie, la France peut inclure dans les conditions d’admission dans les institutions résidentielles, au minimum l’exigence de contraception, voire, dans certains cas, la stérilisation. C’est une pratique illégale mais documentée. Autrement dit, certains parents ont dû consentir à la stérilisation de leur enfant pour accéder à ces institutions.

Sources :
Arte, La stérilisation forcée, un tabou en Europe | ARTE Regards, Youtube, En ligne : 30/12/2025 ; https://www.youtube.com/watch?v=TRH....

DW Documentary, Forced sterilizations on women with disabilities | DW Documentary, Youtube, En ligne : 30/12/2025 ; https://www.youtube.com/watch?v=MVu....

European Parliament, Question for written answer E-001857/23 to the Commission José Gusmão (The Left) (8 June 2023), Europarl.Europa.eu, En ligne : 30/12/2025 ; https://www.europarl.europa.eu/RegD....

ONU info, Risques accrus de stérilisation forcée des femmes handicapées, selon une experte, News.un.org, En ligne : 30/12/2025 ; https://news.un.org/fr/story/2025/0....

Autism Europe, La stérilisation forcée des personnes handicapées : une violation généralisée des droits humains en Europe, Autismeurope.org, En ligne : 30/12/2025 ; https://www.autismeurope.org/fr/blo....

Institut du genre en géopolitique, La stérilisation des femmes porteuses de handicap : la violation invisibilisée de leurs droits sexuels et reproductifs, ipp-geo.org, En ligne : 30/12/2025 ; https://igg-geo.org/2023/09/06/la-s....

European Disability Forum, Forced sterilisation of persons with disabilities in the European Union, edf-feph.org, En ligne : 30/12/2025 ; https://www.edf-feph.org/content/up....

Laura Llach et Lucia Riera, 'I see the scar and I want to die': Why the EU allows sterilisation of women with disabilities, euronews.com, En ligne : 30/12/2025 ; https://www.euronews.com/2023/06/05....