La Commission européenne a élargi, le 20 décembre 2023, la liste des très grandes plateformes en ligne soumises à des contrôles renforcés en vertu de son Digital Services Act (DSA) - entré en vigueur en novembre 2022 - incluant trois sites pornographiques majeurs et populaires : Pornhub, Stripchat et XVideos. Ces derniers rejoignent d'autres géants de l’internet tels que X (anciennement Twitter), TikTok, Google et Facebook (Meta). Ces trois sites pornographiques seront donc, aux côtés de ces géants, assujettis à des règles plus strictes visant à garantir entre autres la protection des mineurs dans le cadre du DSA.

Le Digital Services Act (DSA)

Le règlement européen sur les services numériques, en anglais Digital Services Act (DSA), est déjà entré en vigueur de manière anticipée le 25 août 2023 pour les plus grandes plateformes, soit celles avec plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’Union européenne, ainsi que pour les moteurs de recherche. Pour les autres, elle est prévue le 17 février 2024. Le DSA a pour objectif de responsabiliser les plateformes numériques et de lutter contre la diffusion de contenus illicites. Il établit des règles visant à traiter en ligne de la même manière ce qui est illégal hors ligne, tel que les propos racistes, la pédopornographie, la désinformation, ainsi que la vente de drogues ou de contrefaçons. Ainsi, l’objectif à long terme est de mieux protéger les droits fondamentaux des utilisateurs, de renforcer le contrôle démocratique et d’atténuer les risques systémiques. Le DSA vise à appliquer ses obligations à tous les intermédiaires en ligne offrant des services sur le marché européen, qu'ils soient basés en Europe ou ailleurs dans le monde.

Des règles et obligations renforcées

Parmi les nouvelles obligations imposées aux très grandes plateformes en ligne, ces dernières doivent analyser les risques liés à la diffusion de contenus illégaux ou portant atteinte aux droits fondamentaux en leur sein. Pour se faire, elles devront soumettre des rapports réguliers à la Commission européenne, d’informer les autorités en cas de soupçon d’infraction pénale grave d’un utilisateur, fournir un accès à leurs données à des chercheurs agréés par l’Union européenne et se soumettre à des audits annuels externes pour vérifier leur conformité avec les règles du DSA et plus largement européennes. Dans le cas contraire, ces plateformes s’exposent à des amendes pouvant atteindre jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires annuel, voire à une interdiction d’opérer sur le territoire européen en cas de violations graves et récurrentes, et ce, de par leur taille et leurs responsabilités systémiques.

La protection des enfants en ligne de mire

Ces règles renforcées auront pour impact d’imposer aux sites pornographiques précédemment mentionnés l’adoption de mesures spécifiques pour responsabiliser et protéger les utilisateurs en ligne, notamment les mineurs. Ces règles renforcées rappellent que la Commission européenne insiste sur l’importance de lutter contre la diffusion de contenus préjudiciables aux mineurs, tels que des images violentes voire pédopornographiques. De par cette décision, l’Union européenne renforce donc son engagement envers la protection des mineurs en ligne. En outre, le commissaire européen au marché intérieur et au numérique, Thierry Breton, a souligné que la création d’un environnement plus sûr pour les mineurs en ligne est une priorité européenne dans la mise en œuvre du DSA. La vice-présidente de la Commission européenne, Margrethe Vestager, a également précisé que la désignation de ces trois sites pornographiques comme « très grandes plateformes en ligne » permettra un examen plus approfondi de leur algorithme et de leur processus.

Une décision contestée

A l’instar d’Amazon et de Zalando, Pornhub s’est défendu en affirmant avoir seulement 33 millions d'utilisateurs en Europe, loin des 45 millions requis pour être qualifié de "très grande plateforme", arguant que certaines obligations du DSA pourraient avoir un impact négatif sur ses activités. Dans les faits, ces plateformes cherchent à passer au travers de la régulation européenne en rejetant l'étiquette de "très grande plateforme". De plus, l’Union européenne défend la liberté d'expression comme l'un des piliers de sa démocratie. Cependant, face à la prolifération de contenus pornographiques en ligne, elle est poussée à trouver un équilibre entre cette liberté et la nécessité de protéger les utilisateurs, en particulier les mineurs.

En définitive, le DSA marque une avancée significative pour responsabiliser les plateformes numériques et assurer une protection plus robuste des droits et de la sécurité des utilisateurs en ligne. En outre, la Commission européenne a récemment ouvert une enquête visant le réseau social X, qui est accusé de manquements aux règles européennes en matière de modération de ses contenus et sur sa transparence. Cette enquête marque une première dans le cadre du DSA, soulignant l'engagement continu de l'UE à réguler efficacement l’internet.

Sources :

  • Site institutionnel officiel de la Commission européenne, DSA: Très grandes plateformes en ligne et moteurs de recherche | Bâtir l’avenir numérique de l’Europe, https://digital-strategy.ec.europa...., consulté le 6 janvier 2024.
  • Rédaction Vie publique.fr, DSA : le règlement sur les services numériques ou Digital services act | vie-publique.fr, https://www.vie-publique.fr/eclaira..., consulté le 6 janvier 2024.
  • Julia Tar (Rédaction Euractiv, traduit par Nils Bouckaert), DSA : les sites pornographiques doivent être considérés comme présentant un « risque systémique », selon des ONG, https://www.euractiv.fr/section/pla..., consulté le 6 janvier 2024.
  • Rédaction Le Monde avec AFP, « L’Union européenne impose des règles renforcées à trois grandes plates-formes pornographiques », https://www.lemonde.fr/pixels/artic..., consulté le 6 janvier 2024.
  • Rédaction 20 Minutes avec AFP, Les sites pornographiques mieux encadrés par l’UE, https://www.20minutes.fr/high-tech/..., consulté le 6 janvier 2024.
  • Victoria Beurnez (Rédaction BFMTB Tech&co), Pornhub se défend d’être une « très grande plateforme » pour éviter la régulation européenne, https://www.bfmtv.com/tech/vie-nume..., consulté le 6 janvier 2024.
  • Commission européenne @UEFrance sur X (anciennement Twitter), « Nous désignons aujourd’hui trois “très grandes plateformes en ligne” supplémentaires au titre du #DSA. Elles seront soumises à des règles strictes prévues par la législation, notamment dans un souci de protection des enfants. #DigitalEU », https://x.com/UEFrance/status/17374..., consulté le 6 janvier 2024.