L’Union européenne face aux bouleversements géopolitiques: quel poids réel dans le nouvel ordre mondial ?

Mardi 21 octobre, Euractiv titrait « le moment de dépendance de l’Europe ». L’Union Européenne (UE) se trouve en effet dans une situation bien difficile. Alors que les bouleversements internationaux se multiplient – le retour de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et ses politiques tranchées, la guerre douanière plaçant l’UE au carrefour de déséquilibres économiques, la situation au Moyen Orient – l’UE semble plus divisée que jamais. Mais comment peser à l’international lorsqu’il est impossible de parler d’une seule voix ?
Des réunions marquées par les désaccords persistants entre États membres Lundi, les ministres des affaires étrangères se sont réunis à Luxembourg pour évoquer les tensions en Ukraine et au Moyen-Orient, pendant qu'à Bruxelles, les diplomates de l’UE débattaient du 19e paquet de sanctions contre la Russie. Pourtant, aucune décision majeure n’a été adoptée, montrant l'incapacité persistante de l'UE à répondre de manière unifiée aux enjeux internationaux. Si « l’enfant terrible de l’UE », Viktor Orban, se montre depuis toujours réfractaire au soutien à l’Ukraine, ce n'est pas lui qui a posé son véto aux sanctions, mais la Slovaquie (en raison de sa dépendance à la Russie concernant le pétrole et le gaz) et l’Autriche (en raison de l’impact financier que cela représenterait pour la Raiffeisen Bank International, fortement dépendante du marché russe). La négociation est toujours possible (les deux ayant retirés leur véto), mais rend la prise de décision rapide et adaptée à l’actualité difficile. Budapest s’apprête tout de même à accueillir les négociations entre Donald Trump et Vladimir Poutine. V. Orban, qui manifeste des intérêts et politiques bien différentes du reste de l’UE, se réjouit de cette entrevue la qualifiant « d’excellente nouvelle pour les amoureux de la paix ». Cette division politique se reflète également dans la direction institutionnelle de l’UE. Une direction européenne discréditée ? Kaja Kallas, dont la pédagogie ne cesse d’être discutée, n’a pas manqué d’affirmer qu’il y avait « des opinions très divergentes » et « que les équilibres avaient changés », mais ces arguments ne suffisent pas à justifier la faiblesse de l’UE sur la scène internationale. Elle-même avait affirmé qu’accueillir des personnalités condamnées par la cour pénale internationale dans l’UE « devrait être interdit ». Alors que se tenaient les négociations de paix au Moyen-Orient, l’attention des dirigeantes européennes semblait se concentrer sur des enjeux internes, comme le transfert de Simon Mordue, anciennement secrétaire général du secrétariat européen des affaires extérieures (SEAE), vers le cabinet de la présidente de la Commission. Les tensions existantes dans les institutions de l’UE ainsi que la perte de confiance entre celles-ci (comme en témoigne les deux motions de censures déposées par le parlement contre la présidente de la commission) viennent compléter les discordes politiques des états membres; sans parler des scandales ayant touchés ou touchant certaines personnalités politiques européennes (entres autres le « Qatargate »). Face à ces blocages, certains plaident pour une réforme des mécanismes de prise de décision. Des réformes inévitables ? Au sein du Conseil Européen, l’unanimité est largement appliquée. Mais certains n’ont pas manqué de souligner l’intérêt que pourrait représenter la majorité qualifiée, d’autant plus que les vétos interviennent souvent sur des sujets clés (comme l’immigration ou la politique étrangère). Pour autant, cette décision n’avait pas fait l’unanimité: 13 États membres sur 27 avaient alors co-signés en 2022 un texte s’opposant à cette réforme. Malgré les ambitions affichées dans le traité de Maastricht, qui présente la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) comme « moyen pour les états membres de parler d’une seule voix sur la scène internationale », la voix de l’UE est aujourd’hui sérieusement décrédibilisée par les désaccords persistants entre les états membres dans ce domaine; comme en témoigne la laborieuse adoption du programme “European Defense Industry Program » (EDIP) la semaine dernière après des mois de négociations. Pour rappel, 60 % des importations de défense de l’UE proviennent des États-Unis. Mais nous avons pu le voir ces derniers mois, dépendre des États Unis reviens à mettre à risque l’avenir de l’UE, financièrement et militairement. Clarifier ses objectifs, réformer ses mécanismes de prise de décision: l’UE fait face à des défis inévitables si elle souhaite rester crédible sur la scène internationale. Reste à savoir si les États membres seront prêts à faire les concessions nécessaires pour restaurer la place de l’UE comme un acteur géopolitique à part entière. Bibliographie: Consilium Europa, « Programme pour l’industrie européenne de la défense : Le Conseil et le Parlement parviennent à un accord provisoire », Consilium Europa, [en ligne], https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2025/10/16/european-defence-industry-programme-council-and-parliament-reach-provisional-agreement/, consulté le 21 octobre 2025. Euractiv FR, « L’UE prépare le terrain pour de nouvelles sanctions contre la Russie malgré le blocage du précédent paquet », Euractiv France, [en ligne], https://euractiv.fr/news/lue-prepare-le-terrain-pour-de-nouvelles-sanctions-contre-la-russie-malgre-le-blocage-du-precedent-paquet/, consulté le 21 octobre 2025. INAS France, « Défense et venture capital : les défis de l’investissement dans la BITD », INAS France, [en ligne], https://inas-france.fr/defense-et-venture-capital-les-defis-de-linvestissement-dans-la-bitd/, consulté le 21 octobre 2025. Informat, « Viktor Orban sur la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Budapest : “Nous sommes prêts !” », Informat, [en ligne], https://informat.ro/fr/international/viktor-orban-salue-la-rencontre-trump-poutine-prevue-a-budapest-84994, consulté le 21 octobre 2025. Ouest-France, « Guerre en Ukraine : inquiétude européenne, nouvelles sanctions, sabotage… Le point sur la nuit », Ouest-France, [en ligne], https://www.ouest-france.fr/europe/ukraine/guerre-en-ukraine-inquietude-europeenne-nouvelles-sanctions-sabotage-le-point-sur-la-nuit-a95b1b5c-ac76-11f0-b75e-b80ca3a1c619, consulté le 23 octobre 2025. Rédaction Toute l’Europe, « La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) », Toute l’Europe, [en ligne], https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/la-politique-etrangere-et-de-securite-commune-pesc/, consulté le 21 octobre 2025. Rédaction Toute l’Europe, « Unanimité ou majorité : comment l’Union européenne adopte-t-elle ses décisions ? », Toute l’Europe, [en ligne], https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/unanimite-majorite-qualifiee-minorite-de-blocage-comment-les-decisions-sont-elles-prises-en-europ/, consulté le 21 octobre 2025. Rédaction Toute l’Europe, « La répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres », Toute l’Europe, [en ligne], https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/la-repartition-des-competences-entre-l-union-europeenne-et-les-etats-membres/, consulté le 21 octobre 2025.