Le sommet UE-CELAC : entre pressions géopolitiques et affaiblissement du dialogue bi-régional

Le quatrième sommet UE-CELAC, organisé les 9 et 10 novembre à Santa Marta, en Colombie, devait marquer une nouvelle étape dans la relance du partenariat stratégique entre l’UE et l’Amérique latine. Pourtant, ce sommet s’est avant tout distingué par l’absence très remarquée des principaux dirigeants européens, y compris de la présidente de la Commission, Ursula von der Layen, nuisant au rayonnement de ce rendez-vous diplomatique majeur.

Le sommet UE-CELAC : un mécanisme stratégique pour l’UE

Crée en 1999, le sommet UE-CELAC vise à construire un espace de dialogue politique et à faciliter la signature d’accords entre l’UE et les pays d’Amérique latine. Cette proximité est fondée sur des valeurs communes telles que la démocratie ou la coopération multilatérale. Le dialogue entre ces Etats est important à mesure qu’ensemble, ils représentent 14 % de la population mondiale, 21 % du PIB mondial et un tiers des sièges à l’ONU. L’Amérique latine est également essentielle pour l’autonomie stratégique de l’UE lui assurant l’accès à des minerais critiques pour sa transition écologique (lithium, cuivre, nickel) et des débouchés pour ces exportations à forte valeur ajoutée.

Des absences liées à la pression géopolitique de Trump

Malgré l’importance des pays d’Amérique latine sur divers aspects stratégiques, seulement 12 dirigeants se sont déplacés au sommet sur les 60 attendus. Officiellement, Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Giorgia Meloni ou encore Ursula von der Leyen ont annulé leur venue en raison de conflits d’agenda et du faible niveau de participation. Cependant, il est important de noter que ces annulations s’inscrivent dans un contexte géopolitique tendu entre les Etats-Unis et plusieurs gouvernements d’Amérique latine, dont le Venezuela et la Colombie. Depuis plusieurs mois, Donald Trump mène une politique agressive à l’égard de Caracas accusant Nicolas Maduro de diriger un « narco-Etat » et multipliant les frappes militaires contre des navires supposément liés au trafic de drogue. La Colombie, subit elle aussi les lourdes sanctions imposées par l’administration étasunienne depuis que Trump, sans preuve, accuse son président d’être un « trafiquant de drogue ». Ces accusations se sont multipliées après que Gustavo Petro ait critiqué les opérations militaires menées par les Etats-Unis dans les Caraïbes contre le narco-trafique. Ainsi, dans un tel contexte, se rendre à Santa Marta aurait pu être perçu par Trump comme un acte d’opposition, poussant les Etats européens à opter pour l’absence diplomatique.

Un signal politique menaçant les relations EU-CELAC

Ces absences, et notamment celle d’Ursula von der Layen, envoient un message particulièrement fort à l’Amérique latine. Après avoir lancé le Global Gateway Agenda lors du 3e sommet UE-CELAC, Ursula von der Layen choisit désormais de ne pas se rendre à sa nouvelle édition. De nombreux gouvernements latino-américains voient en cette décision une manière pour l’UE de s’aligner de manière croissante sur les Etats-Unis, malgré que leur stratégie dans la région soit perçue comme agressive et déstabilisatrice. Les hésitations européennes risquent de fragiliser cette relation bi-régionale alors même que les relations de l'UE avec d’autres régions du monde ne sont plus tout à fait pérenne. On pense notamment aux Etats-Unis, avec qui les relations se sont compliquées sous l’administration Trump, aux pays ACP notamment depuis les négociations de l’accord de Samoa ou encore avec la Chine du fait de son soutien à la Russie. Face à la recomposition des rapports de force mondiaux, l’UE a besoin de partenaires fiables. Les doutes latino-américains risquent de fragiliser l’alliance EU-CELAC et d’affaiblir l’influence de l’UE sur la scène internationale.

Un sommet favorisant malgré tout une coopération renforcée

Même si les nombreuses absences ont trouvé plus d’écho dans la presse que le sommet en lui-même, il ne faut pas négliger la déclaration qui en a émanée. Cette dernière, signée par tous sauf le Nicaragua et le Venezuela, couvre un large spectre de thèmes allant de la défense de l’ordre international, à la transition écologique et énergétique en passant par la transformation numérique ou la sécurité et la lutte contre le crime organisé. Parmi les annonces concrètes, on peut notamment souligner la création d’une alliance UE-Amérique latine pour la sécurité citoyenne, centrée sur le narco-trafique et les cybermenaces, ainsi que le déblocage par la Banque Européenne d’Investissement (BEI) d’un milliard d’euros pour développer les réseaux électriques et les énergies propres.

Sources :

Alfie Pannell, « EU leaders drop out of key Colombia summit days before start », https://thebogotapost.com/eu-leaders-drop-out-of-key-colombia-summit-days-before-start/54031/, consulté le 21 novembre 2025.

Conseil européen, « EU-CELAC summit, 9 November 2025 », https://www.consilium.europa.eu/en/meetings/international-summit/2025/11/09/, consulté le 21 novembre 2025.

Institut Jacques Delors, « Europe–South America: A Missed Opportunity That Must Be Urgently Recovered », https://institutdelors.eu/en/publications/europe-south-america-a-missed-opportunity-that-must-be-urgently-recovered/, consulté le 23 novembre 2025.

Jorge Liboreiro, « Europeans largely skip Latin American summit under Trump’s shadow », http://www.euronews.com/my-europe/2025/11/08/europeans-largely-skip-latin-american-summit-under-donald-trumps-shadow, consulté le 23 novembre 2025.

Parlement européen, « Outcome of the 2025 EU–CELAC summit », https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2025/779201/EPRS_ATA(2025)779201_EN.pdf, consulté le 22 novembre 2025.