Utiliser les avoirs russes gelés pour soutenir la guerre en Ukraine ?
Alors que la guerre en Ukraine fait toujours rage, les dépenses ukrainiennes continuent d’augmenter. Contrairement aux Etats-Unis, qui ont décidé de réduire drastiquement leurs aides financières, l’Europe souhaite continuer à soutenir l’Ukraine dans sa défense contre cette guerre d’agression. L'Union européenne se doit donc de décider les 18 et 19 décembre, lors du Conseil européen, de la façon dont elle souhaite financer les dépenses ukrainiennes pour 2026-2027.
Quelles options pour aider l’Ukraine ?
Plusieurs options ont été mentionnées pour financer les dépenses de l’Ukraine, qui montent à 135 milliards d’euro sur 2 ans selon une estimation de la Commission européenne :
- La première option serait des prêts volontaires à l’échelle nationale pour chaque membre de l’UE,
- La deuxième option serait un prêt commun à l’échelle de l’Union européenne,
- La troisième option, privilégiée par une majorité des membres de l’UE, serait l’utilisation des avoirs russes gelés stockés dans l’Union européenne.
Un prêt pour l’Ukraine
Pour la première option, les pays membres devraient se tourner vers les marchés financiers, ce qui serait un problème pour les pays possédant déjà un déficit national conséquent, comme la France ou l’Espagne, et cela aurait un impact fiscal immédiat puisque les pays devraient l’inclure dans leur balance économique et payer les intérêts de ce prêt.
Dans le cas du prêt commun, le montant serait proportionnel à l’importance économique de chaque pays, qui devraient là encore payer les intérêts de ce prêt. Si un ou plusieurs pays décidaient de ne pas participer à ce prêt commun, les autres pays seraient obligés de compenser. Mais cette option est pour l’instant assez limitée puisque l'emprunt à l’avantage d’un pays non membre de l’UE est actuellement interdit, il faudrait donc amender la législation, ce qui exige l’unanimité, et rend donc cette option encore moins viable à cause de l’opposition de la Hongrie à aider l’Ukraine.
L’utilisation des avoirs russes gelés
Lors du Conseil européen du 23 octobre, la question du financement de la guerre en Ukraine a été évoquée, et l’hypothèse qui a reçu le plus de soutien était l’utilisation des avoirs russes gelés. La majorité des avoirs russes gelés, 140 milliards d’euros, se trouvent chez Euroclear, un dépositaire central de titres en Belgique, ce qui serait donc suffisant pour financer l’Ukraine sur 2 ans. L’Union européenne ne pourrait légalement par confisquer cet argent, elle veut donc utiliser cet argent comme garantie pour un prêt à l'Ukraine : L’Ukraine n’aurait besoin de rembourser l’UE que si la Russie paye suffisamment de réparations à l’Ukraine. Si la Russie refuse de financer ces réparations, les avoirs restent gelés. Cependant, la Belgique a exprimé son désaccord à de nombreuses reprises par peur de représailles russes, la majorité des avoirs se trouvant en Belgique. Bart de Wever, le premier ministre belge, a donc demandé des garanties “juridiquement contraignantes, inconditionnelles, irrévocables” basées sur la richesse nationale des pays membres de l’Union européenne, afin que la Belgique ne se retrouve pas seule à supporter les possibles représailles russes. Ces garanties seraient cependant difficiles à obtenir aussi rapidement pour un grand nombre de pays, certains ayant besoin de l’accord de leur parlement, d’autant plus que ces garanties pourraient devoir être disponibles à vie, pour prévenir toute action légale de la Russie.
La BCE et certains pays utilisant l’euro ont également peur que cette décision puisse ébranler la confiance internationale dans l’euro. “Cet argument mérite d’être nuancé : les mesures envisagées ne visent pas des avoirs ordinaires, mais ceux d’un Etat reconnu comme responsable d’une agression armée par l’Assemblée générale des Nations unies. ... Deux agences de notation viennent d’émettre l’avis que la décision n’affecterait pas la notation des Etats européens.”
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Francis Biesmans, Samuel Cogolati, Paul De Grauwe, John Paulson, Pierre Klein, André Lange, Gerard Roland, "Utiliser les avoirs russes gelés en Belgique pour aider l’Ukraine est conforme au droit international", https://www.lesoir.be/714850/articl..., 4 décembre 2025, consulté le 13 décembre 2025