Le nouveau président du Conseil européen Antonio Costa parle d'une “nouvelle opportunité de liberté et de paix pour le peuple syrien”. En effet, après ces dizaines d’années de fracture au sein même du pays, la stabilité et l’ordre public doivent être rétablis. Les dirigeants de l’UE et notamment Kaja Kallas, la Haute Représentante de l’UE aux affaires étrangères et la politique de sécurité, considèrent que “la sécurité est la priorité dans la région”. Elle notifie aussi qu’elle est en contact étroit avec les ministres de la région. C’est à noter car les relations diplomatiques de l’UE avec la Syrie ont été rompues après les répressions violentes des manifestations anti-gouvernementales de 2011, dégénérant en une véritable guerre civile obligeant une partie de la population à émigrer de leur pays d’origine. L’asile avait été attribué à plus d’un million de syriens. L’UE et la Syrie ont néanmoins toujours entretenu des relations privilégiées, en effet l'UE représente le premier donateur d’aide au développement de la Syrie. Depuis 2011, l’UE et ses États membres ont mobilisé 33.3 milliards d’euros pour aider la Syrie et la région. Cela se traduit par une aide aux populations, que ce soit de la nourriture ou un soutien aux établissements de santé.

Kaja Kallas fait face à un vrai défi : mettre d’accord les 27 États membres sur la position européenne au Proche Orient, qui est beaucoup plus complexe que la question russo-ukrainienne. L’UE est en faveur d’une transition politique pacifique, mais il faut résoudre la question existentielle de quel va être l’interlocuteur direct de l’UE. Damas a fait face à de nombreuses sanctions de la part de l’UE depuis longtemps sous Assad, néanmoins les rebelles qui ont renversé le régime, le groupe islamiste HTC est aussi menacé par plusieurs condamnations depuis plusieurs années, et figure sur la liste noire du terrorisme de l’UE depuis 2014. La diplomatie européenne a cherché à prendre contact rapidement avec les nouveaux dirigeants syriens, avec prudence, car les intentions du groupe HTC sont encore floues. Certains Etats membres ont pour projet de réouvrir un ambassade à Damas alors que le chef de la délégation de l’UE en Syrie opère toujours à Beyrouth. D’autre part, il y a de vraies exigences de la part des institutions européennes pour les nouveaux représentants syriens : la protection de la part des nouvelles institutions des minorités, la mise en oeuvre d’une transition inclusive et faire en sorte d’éviter le terrorisme. En outre, contrairement à son prédécesseur Josep Borell, qui prenait à bras le corps les problématiques proche-orientales et moyen-orientales, Kaja Kallas n’est pas profondément concernée par cette région du monde.

La chute de Bachar al-Assad et l’avenir de la Syrie s’étend à une question plus globale et au Proche-Orient en général. Les puissances régionales entament déjà des dialogues diplomatiques avec les nouveaux dirigeants syriens comme la Russie et l’Iran, grands soutiens de l’ancien président syrien, et la Turquie. La Russie, grand soutien de Bachar al-Assad, a aussi contacté les nouveaux dirigeants syriens au sujet des deux bases militaires sur le territoire syrien, une navale et aérienne, qui sont primordiales pour l’influence géostratégique russe dans la Méditerranée et au Proche Orient. L’UE a alors mis en garde la Syrie sur la présence russe et le risque d’ingérence et d’atteinte à l’indépendance du nouveau gouvernement syrien. La Turquie apparaît comme vainqueur de la destitution de Bachar al-Assad, elle a été le soutien des rebelles ayant été responsable du coup d'État. L’UE voit en la Turquie un interlocuteur privilégié afin de promouvoir plus d’inclusivité au sein du nouvel État syrien, en influençant les rebelles détenteurs du pouvoir. L’Etat turque considère aussi le nouvel Etat syrien comme une solution pour l’intégration des Kurdes syriens, qui faciliterait la question de l’autonomie kurde à leur frontières.

Sources :

- Les dirigeants européens saluent la chute de Bachar al-Assad en Syrie, mais restent attentifs à ses conséquences; Toute l'europe https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/les-dirigeants-europeens-saluent-la-chute-de-bachar-al-assad-en-syrie-mais-restent-attentifs-a-ses-consequences/-

- Syrie : l'ère post-Bachar al-Assad se met en place; Euronews https://fr.euronews.com/2024/12/09/syrie-lere-post-bachar-al-assad-se-met-en-place

- La position de l'UE à l'égard de la Syrie : le premier défi de Kaja Kallas ; Euractiv https://www.euractiv.fr/section/international/news/la-position-de-lue-a-legard-de-la-syrie-le-premier-defi-de-kaja-kallas/

- Quelles relations l'Union européenne entretient-elle avec la Syrie; Toute l'europe https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/quelles-relations-l-union-europeenne-entretient-elle-avec-la-syrie/

- L'UE appelle à une transition pacifique en Syrie, mais ne sait pas avec qui dialoguer; Euractiv https://www.euractiv.fr/section/international/news/lue-appelle-a-une-transition-pacifique-en-syrie-mais-ne-sait-pas-avec-qui-dialoguer/

- Syrie : le nouveau pouvoir en place au centre des préoccupations de la diplomatie européenne; RFI https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20241217-syrie-le-nouveau-pouvoir-en-place-au-centre-des-pr%C3%A9occupations-de-l-union-europ%C3%A9enne